au fil de l’eau du temps
rue des Graviers
en voilà un nom qui sonne grave
grave et serein à la fois
impasse au macadam goudronné
avec vue directe et plongeante
sur la rivière de l’Aisne
autrefois, il n’y a pas si longtemps,
sillon aqueux dans lequel se frayaient
de luisantes péniches au ventre rebondi
gorgées de gravier, de blé
de charbon, pleines de coke en soute
adieu le transport fluvial
fini de voir passer le batelier
tout fier à son gouvernail
dans sa cabine astiquée impeccable
avec parfois en déco : un chien, un vélo,
du linge étendu sur un fil suspendu
c’était une autre vie au rythme régulier
entre deux bords bien délimités,
d’escale en escale, entre deux écluses
aujourd’hui, place aux bateaux de croisière
qui se chargent d’électricité
et se désaltèrent d’eau de source
l’été, à la Halte Fluviale
reste, sur terre ferme, la rue des Graviers :
ah ! revenir le soir en auto
se garer devant son chez soi
ressortir promener le chien le long de la rivière
histoire de se détendre, suivre des yeux l’onde légère
cauchemarder peut-être
l’Aisne s’emballe, et monte son niveau !
elle grimpe jusqu’aux étages
et, parfois, avoir la tentation
par grand soir de déprime, sur fond de pluie
de se laisser couler dans ce ruisseau de vie
la pierre au cou, à corps perdu
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