Juin 2003 : Au petit matin, gare de Soissons,
C’est une aurore radieuse qui éclate dans le miel azur et rose du ciel mais déjà une infime moiteur dans l’air annonce que la journée sera torride.
Nous patientons sur le quai pour Paris.
A mon bras Gabrielle, mon amie au regard sombre, celle qui ne voit pas, celle qui vit dans la nuit depuis son adolescence.
Elle sourit, elle a en elle cet espoir fou, grâce à cette rencontre prévue avec un nouveau médecin, encore un, après les sept ou huit qu’elle a déjà consultés.
On dit que celui-là, à Paris, est un artiste, un génie !
Le train au loin apparaît, il ne fait pas « tchou-tchou », mais il me fait penser au petit train que je réalise avec les enfants aux grandes occasions : Halloween, Noël, Pâques.. C’est une friandise, un gâteau, une douceur. Je connais la recette par cœur. Je pourrais la faire les yeux fermés.
« Tu crois que çà va marcher ? Tu crois qu’il va pouvoir faire quelque chose pour moi ? »
Mon amie me pétrit le bras.

Alors, pour faire les traverses du chemin de fer, prenez des biscuits à la cuiller et pour les rails, déroulez du zan.

« Tu sais que j’espère tellement.. »
Mon cœur se serre.

Ensuite, coller les rails avec la pâte de chocolat. Les wagons sont confectionnés avec de petites «  savanes », leurs roues avec des tranchettes de biscuit roulé..

Tiens, le train a stoppé sa course, nous escaladons le marchepied tant bien que mal car Gabrielle se fait bousculer bien qu’elle arbore sa canne blanche. Ce que çà peut m’agacer l’imbécillité et l’indifférence !
Le train est déjà bondé ! Mais où vont tous ces gens ?
Tiens, des têtes connues !
Mon amie est perdue au milieu du wagon, un mouvement de foule l’a éloignée de moi, je me fraye un chemin sans ménagement parmi les voyageurs, je la rattrape par la main «  je suis là », sourire, nous pouvons enfin nous poser.
Le train repart, Gabrielle ne dit rien, repliée au fond de sa tête.

Pour faire la cheminée de la locomotive, il est impératif d’avoir une cigarette russe.
Le chargement des wagons est fait de « fingers » au chocolat que l’on ligote en fagots et on utilise des bonbons anglais pour…

Je prends mon amie par les épaules pour la serrer contre moi, et d’un ton que j’espère détaché lui rappelle notre programme : «  A la gare du Nord, nous prendrons un taxi et çà va être très agréable cette petite balade dans Paris ! »
Elle s’arrache un sourire.

Ah ! oui, les bonbons anglais.. c’est pour faire croire que le train transporte des bobines d’acier, sauf que c’est de l’acier rose, vert ou jaune..

Le train roule maintenant à sa vitesse de croisière vers Paris, l’agitation dans le wagon a cessé, Gabrielle étend ses jambes, mais le nœud dans ma gorge ne prétend pas se desserrer..

Vers quelle désillusion filons-nous à toute allure ?

CM

CM

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2 réponses à “Soissons-Paris”
  1. catherine dit :

    Mais comment faites-vous pour écrire aussi vite?
    Moi, il me faut des jours entiers pour triturer mes idées, les jeter en vrac sur un bout de papier et enfin, les trier, en jeter certaines, en retenir d’autres..
    Je suis admirative de votre imagination fertile..
    A bientôt, donc,

    CM

  2. inconnu dit :

    Assez de l’anonymat! Je suis hélène, la fille de nono. Je tenais à me faire connaître par mes écrits et pas en tant que fille de Jean Sudarovich. J’ai quarante trois ans, je suis enseignante et j’écris depuis que je sais écrire. Ce ne sont pas les idées ou les mots qui me manquent mais un cadre pour les domestiquer. Cet atelier pourrait m’en donner l’occasion si vous m’acceptez….
    Quelle que soit votre décision, bonne continuation!
    Hélène

  3.