Archives pour janvier 5th, 2008

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    Consubstantiation, transubstantiation.

    Venu du nord, le train des pèlerins fait arrêt. Les guides descendent pour aider les invalides qui attendent sur le quai. Il traversera la France dans la nuit, et arrivera au matin à Lourdes.

    Dans mon lycée protestant irlandais, la pédagogie ne se souciait guère d’éveiller notre intérêt. Pour apprendre « pi », nous grimpions péniblement les paliers de calcul puis, au lieu de nous émerveiller devant le vaste paysage mathématique de l’autre côté de la montagne, nous étions invités à plier cette découverte comme un vêtement de plus à mettre dans la valise que nous traînerions, preuve de notre instruction supérieure.

    Le programme faisait impasse sur l’histoire, trop incendiaire et surtout trop récente, de cette île fracturée entre notre bastion du Nord, que rendaient fragile ses contradictions et injustices intérieures, et la menaçante contrée au Sud. « Si les Catholiques gagnent les élections » disait ma grand-mère « les prêtres feront cours à l’école. » Pourtant son mari, le grand-père que je n’ai pas connu, mais qui aimait écrire et lire, avait été partisan de l’autonomie de l’Irlande, étape vers l’indépendance. Il créait ainsi des difficultés pour ses enfants, obligés d’admettre dans la rue que leur père ne voterait pas pour le candidat Unioniste majoritaire.

    En classe, donc, nous étudiions les dynasties et dates des souverains anglais, leurs guerres, leurs alliances. Même leurs problèmes conjugaux, dont ceux d’Henri VIII qui, pour passer outre à l’autorité du Pape en matière de divorce, a fondé l’église anglicane. Quelque part dans les cours qui suivaient, nous avons appris, aussi platement que si nous devions distinguer deux couches géologiques, la différence entre la transubstantiation, par laquelle le pain et le vin de la messe deviennent le corps et le sang du Christ, et la consubstantiation, pirouette protestante par laquelle ils restent pain et vin, mais investis spirituellement par le Christ. Définitions de plus à fourrer dans la valise des connaissances, mais que ma fréquentation des catholiques en France a enfin éclairées – sans que je sois convaincu ni par l’une ni par l’autre.

    Il est convenu de voir dans la seule dévotion, des pèlerins comme des accompagnants, le miracle de Lourdes. Mais qui n’espère pas une fois un vrai miracle, mais alors un « vrai » : des yeux opaques qui s’allument, le cancer qui file comme un truand, les jambes qui se redressent avec un claquement de genoux ? C’est en envisageant cette magie de Dieu que la foi catholique évolue. Notre relation protestante avec Lui était sans tiers, sous un regard implacable. La communion restait rationnelle. La consubstantiation.

    La jeune fille au chemisier couleur de braise penche la tête, toute disposée à aider dans cette folle équipée des malades et infirmes vers la distante grotte. Tout est possible pour eux. La rencontre avec Dieu dépasse l’entendement. La transubstantiation.

DM

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