Une bonne tasse de thé fumante posée sur la table basse en teck devant moi, je m’apretais à découvrir les cartes postales du lot acheté le matin même à mon petit bouquiniste des quais de Seine spécialisé dans le nord de la France.Je me délectais à l’avance de l’émotion que ces prises de vue, anodines pour la plupart de mes congénères, allait réssusciter en moi, impatient de retrouver la chaleur de mes souvenirs adolescents moi qui ne dispose que de si peu de temps.
Mince!
De surprise j’en ai lâché la tasse. Je regarde, pétrifié le thé se répandre sur mon tapis persan. Non je ne rêve pas. C’est bien une carte postale de la rue des graviers!
Si je m’attendais!
Cette carte réanime le seul souvenir que j’aurais voulu garder enfoui, que la vie est mal faite!
Un, deux, trois petits cailloux gris
lourds, si lourds dans ma main soudain affaiblie.
Tout me revient malgré moi. Les pièces du décor se remettent en place. En arrière plan l’Aisne qui coule imperturbable devant la haie d’honneur des peupliers dressés au garde à vous.
Les petites maisons de pierres calcaires, grises et mouillées de chaque côté de la rue. Leur toit gris d’ardoise, luisants de pluie. Puis sur le devant de la scène, la bicyclette. Et crispées sur les poignées de cette bicyclette, ses mains. Et au bout, tout au bout de ses mains, son visage pâle, ruisselant et ses lèvres qui remuent imperceptiblement. Puis tout d’un coup, le son de ce qui devait pourtant être un chuchotement envahit la scène:
“C’est fini, je ne t’aime plus, je te quitte.”
Un, deux, trois petits cailloux gris ramassés pour être jetés
trois petits cailloux gris pour ne pas crier
et mon coeur en morceaux éparpillés,
rue des graviers.

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