Archives pour février 11th, 2008

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En cette année 1351, alors que la lignée des Valois s’installait sur le trône de France, les « jacquets », pèlerins en partance pour Compostelle, s’étaient rassemblés sur la Grand Place de Soissons, devant ce qui allait être, bien des années plus tard, l’hôtel de Barral.
Une statue représentant un Ange avec une coquille sur la tête matérialisait le lieu de rassemblement, comme il était d’usage dans de nombreuses villes de France pourvoyeuses de pèlerins.

« Comme chante le voyageur, chante, mais marche. Ne cultive pas la paresse, chante pour soutenir ton effort !
Sans t’égarer, sans reculer, sans piétiner, chante et marche ! »

Jean avait en tête cette homélie de Saint Augustin. C’est à cet appel impérieux qu’il avait répondu, résolu à marcher vers la cathédrale de Saint Jacques de Compostelle.
Pendant trois ans, de 1348 à 1350, la Peste noire avait ravagé la région de Soissons et il lui avait payé un lourd tribut. Sa femme et ses deux enfants étaient morts. Autrefois son fils ainé l’aidait dans son échoppe de maréchal-ferrant et il avait fondé l’espoir qu’un jour il le remplacerait. Tout cela avait été emporté en quelques jours et maintenant il ne lui restait plus que sa foi pour le soutenir. Pourtant, le soir où les yeux de sa femme s’étaient figés grands ouverts sur l’au-delà, il avait maudit Dieu ! C’était pour expier ce terrible péché mortel qu’il entreprenait ce pèlerinage.

La route serait longue mais le temps ne comptait pas. D’ailleurs il ne connaissait pas la route à faire. Un moine les guiderai, d’abord jusqu’à Paris, à la Tour Saint Jacques, à travers les forêts de Villers-Cotterêts et du Valois, puis vers Vézelay. Après c’était l’inconnu et ses dangers. On racontait que les « coquillards » au détour d’un chemin forestier, profitaient de l’aubaine du pèlerinage pour détrousser, et quelquefois tuer, les pèlerins désarmés.
Jean avait une petite chambre à la Cayenne des Compagnons de la Maréchalerie. Il souffla sa bougie et s’endormit en pensant à sa femme. Il fit un rêve étrange et prémonitoire.
Il se voyait, au retour de pèlerinage, épouser la belle Geneviève, sa payse de Saint Crépin restée veuve à 24 ans.
De son ventre fécond naissait une lignée : la sienne. Au fil des années elle s’enrichissait de garçons et de filles formant une foule si nombreuse qu’il avait du mal à en évaluer le nombre. Alors, dans son rêve, il vit l’un d’entres eux, visitant la Grand Place de Soissons, s’arrêter devant la statue de l’Ange au coquillage muni d’un étrange boitier auquel il collait son œil. Il eut alors la certitude que l’histoire de son pèlerinage, celle qui avait marqué sa renaissance, serait immortalisée un jour par son lointain descendant.

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