Archives pour mars 4th, 2008

Le matin, je descends. Dans l’escalier, j’ouvre le premier rideau, geste accompli tous les jours dans le bonheur. Au-delà du pré, puis derrière les peupliers nus aux boules de gui, la lumière du jour, encore diffuse, me rassure. Aujourd’hui je verrai où je mets les pieds.

L’image du mois ? Cette cour d’hôtel est une cafétéria, avec des plats pour éveiller l’appétit de l’imagination. Cadran solaire, Pan, fontaine. Mais c’est la coquille de Saint Jacques qui me choisit. Posée à plat, elle fait vasque, bénitier, plateau à fruits. Je la redresse d’un coup de pensée. Son creux devient gîte, ses stries amorcent tous les chemins de l’univers.

Comment suivre l’un d’eux ? Le pèlerin, que son chemin soit spirituel, religieux, historique, familial, professionnel, a besoin de lumière pour voir où il va.

Une amie qui travaille avec des malades du Sida au Cambodge réagit mal à ma préoccupation avec cette lumière. Elle en a marre, dit-elle, de croiser ces intervenants humanitaires qui s’identifient immédiatement par leur appartenance à une église. Ne peuvent-ils pas travailler sans se réclamer d’une idéologie ? Pour lui répondre, je cherche mes mots et, comme souvent, c’est eux qui amènent la netteté.

La lumière du pèlerin n’est pas un flambeau extraterrestre qui éclaire un chemin tracé par un tout-puissant. C’est lui-même qui l’allume. D’aucuns la génèrent par leur engagement spirituel, d’autres par une aspiration matérielle. Je la discerne dans un combat pour voir clair, ne pas m’illusionner, ni me cacher ni battre la retraite, ni éviter l’inconfort ni refuser l’allégresse.

Le passé du pèlerin devient un album à feuilleter, enregistrement du parcours. Les clichés sont bouleversants, décevants, sublimes ou comiques. Dans un groupe (j’allais dire une auberge) j’ai eu enfin le courage de me battre. Résultat : deux côtes fêlées. Une semaine plus tard, la bataille reprend et nous finissons tous deux emmêlés dans mes bandelettes, momies étonnantes de jeunesse, soudain ressuscitées.

Après le chemin passé il y a, non pas un but, mais un avenir. Ombrée ou radieuse, la lumière le montre.

D’ailleurs, l’écriture est un pèlerinage, de l’impulsion initiatrice au texte, qui est rarement celui qui s’apercevait de loin. Réfléchir à la notion, puis éclaircir les idées comme on éclaircit les poireaux trop nombreux dans un semis, interroger autour de moi puis – parfois avec exaltation, parfois pieds nus sur des cailloux (comme les pèlerins du lac Derg en Irlande) – mettre en mots, voilà le pèlerinage qui est parti de l’hôtel de Barral.

Le matin, je descends. Dans l’escalier, j’ouvre le premier rideau, geste accompli tous les jours dans le bonheur. Au-delà du pré, puis derrière les peupliers nus aux boules de gui, la lumière du jour, encore diffuse, me rassure. Aujourd’hui je verrai où je mets les pieds.

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