Archives pour mai 31st, 2008

Je tue pour vivre. Je tue pour vivre.

C’est la tante d’une vache wallonne qui m’a rendu végétivore. Je remontais d’une gare dans la vallée de la Meuse, par une de ces après-midi belges où le gris paraît être la couleur nationale et le soleil, comme un sans-papiers, se fait discret pour ne pas être reconduit à la frontière. Des protestants de France, réunis dans un collège jésuite, attendaient mes remarques sur la tourmente de mon Irlande du Nord.

Deux vaches broutent derrière une clôture. Je m’arrête, arrache une touffe d’herbe de mon côté du grillage et la tends. Un museau l’effleure et se détourne.

L’histoire aurait pu s’arrêter là. Mais je vivais en ce temps ma propre tempête intérieure, d’extase et de trouble mêlés, et qui faisait sauter les certitudes comme des barreaux de prison. Du coup, des espoirs qui n’avaient jamais osé bouger étaient libérés, s’impatientaient même. Je ne vivais plus sous la loi mais sous la grâce. Sur ce chemin de vie je ne pouvais avancer que dans l’authenticité, avec des relations véridiques. Sinon, le soufflé allait retomber. Ces vaches méritaient plus qu’un geste a minima.

Je m’arrête alors, cherche plus loin des brins d’herbe verte tendre, délice pour bétail. La vache les accepte gracieusement et je repars, ému de cette justesse entre homme et bête.

J’arrive à l’heure du dîner, et pour la première fois me trouve devant un steak tartare. Je l’attaque, goûte la saveur un peu métallique lorsque, comme une feuille dans un ruisseau, le museau d’en bas me revient. « Tu t’émeus d’une relation avec une vache, et à peine une heure plus tard tu dévores peut-être sa tante hachée. »

J’ai fini le plat, car il était bon, mais c’était ma dernière viande. Il ne restait qu’à défendre la décision. Avec les années, vous ne réagissez plus aux remarques sur les poireaux qui hurlent quand ils sont arrachés, les patates qui pleurent de douleur, ni aux questions : « Les carences en protéines animales ? ». « Vous mangez bien du poulet ? Du poisson ? Même pas ? » Vous répondez seulement à celle qui se veut maligne : « Vous portez bien des chaussures de cuir. » Ah ha ! « Mais je ne mange pas mes chaussures. »

Parfois, en face de quelqu’un qui coupe son chateaubriand, la chair s’ouvrant comme un bras de femme que tailladerait une lame de rasoir, vous regardez cet animal qui ingurgite des bouts d’un autre animal, et vous risquez de rendre votre tofu rissolé. Ne dites rien, car il vous accusera d’écorcher vifs les oignons et ce sera reparti.

Le sens du végétarisme dans l’infinie aspiration vers la liberté ? Peu importe qu’une telle décision soit morale, religieuse, diététique, environnementale ou compassionnelle : ce qui compte est de respecter un principe qui ne vient ni d’une habitude ni d’une idéologie, mais d’un choix. La liberté se pratique non pas dans l’indiscipline totale mais en faisant des choix et en s’y tenant.

Et la question coup de grâce : « Vous êtes sur une île déserte. Il n’y a que des noix de coco à trente mètres au dessus, et des crabes à vos pieds…. » Réponse : je fais un feu sur la plage – je ne vais tout de même pas les bouffer crus.

Car après (et avant et pendant) tout, je tue pour vivre.

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C’est dans l’étable que c’est arrivé.
Mais bon, certainement que celà aurait pu arriver n’importe où ailleurs.
Quelque soit le moment, ou le lieu, rien ne l’arrête, pas même les gens qui le regardent
Il n’en a rien à faire, il est tout entier à sa mauvaise humeur, sa colère , sa frustration et tutti quanti..
Il a encore cherché l’affrontement.
Il la regardait avec son drôle d’air. L’air de celui qui n’est pas content.
Déjà, il venait de chercher des noises à son père, à propos de la gestion de la ferme.
" Tu es trop vieux, tu ne comprends rien aux techniques modernes", qu’il lui avait dit.
Quest-ce qu’il connait des travaux agricoles, lui qui a refusé de travailler sur l’exploitation?
Lui, il ne voulait pas se lever à l’aube et rentrer tôt  pour traire les vaches. Lui, il s’était instauré une vie légère et sans contraintes.
C’est d’ailleurs dans une soirée un peu folle, la veille du nouvel an qu’elle l’avait rencontré.
Il pétillait comme une bulle de champagne, c’était un tourbillon de joie de vivre cet homme là ! ..et il maniait un humour décapant qui l’avait subjuguée, elle qui se torturait le cerveau depuis des décennies à chercher un sens à sa vie.
Elle avait cru quoi? qu’à fréquenter des fétards, la vie serait une fête?
Ben justement,elle n’avait pas été longtemps à la fête avec lui.
"Les apparences sont toujours trompeuses" pensait-elle.
Très vite, il avait montré son côté sombre, sa seconde nature, elle lui disait" tu n’es qu’un shizophrène"
Il s’enfermait des heures dans des bouderies, fumait cigarette sur cigarette; il ne lui parlait plus , il aboyait.
Il lui donnait des ordres:" apporte-moi un café".. " apporte m’en un autre"
Il la prenait pour sa boniche ou quoi?
Et puis, plus rien n’allait bien, à croire qu’en quelques semaines elle était devenue idiote car à l’entendre lui, elle n’était jamais à la hauteur de rien.
Et en plus, il ne la trouvait pas "marrante"
C’est vrai çà, ses reprohes constants ne la faisait pas se tordre de rire.
Tout çà l’empêchait de dormir depuis quelque temps.
Elle ripostait aux attaques de reproches, aux tirs de colère, puis elle s’épuisait à recoller les morceaux épars de leur relation moribonde.
Elle s’accrochait désespérément à son puzzle mais il lui manquait de plus en plus de pièces pour le reconstituer; d’ailleurs on ne voyait plus bien à quoi çà ressemblait ce truc..
Qu’est-ce qu’elle attendait au fond?
L’histoire était cuite! elle le savait, alors quoi!
Et puis, c’est dans l’étable que c’est arrivé, chez son père, avec qui elle s’attardait à discuter pendant la traite; elle, elle aimait bien les vaches, la ferme, l’ambiance.
Il a commencé à s’énerver, à la presser de partir :
" Bon, tu viens ou non? quest-ce que tu peux bien avoir à raconter d’intéressant à mon père?"
Elle a senti d’un coup son sang lui monter au visage, puis s’est mise à trembler.
D’un bond elle s’est jetée sur lui.
Son poing droit serré à blanc heurta avec une violence inouïe son oeil à lui.
Sous le choc, il recula d’un pas.
Hagarde, elle regardait son propre poing.
Puis la honte l’envahit.
"Mon Dieu, comment j’ai pu en arriver là?" balbutia t-elle.
Elle leva les yeux vers lui; il la regardait avec une lueur de satisfaction ironique.
"Tu es pire que moi!" lâcha t-il, avec mépris. 
La douleur lui tordit le ventre " alors voilà, c’est l’ultime humiliation qu’il voulait m’infliger" se dit-elle.
Il avait réussi à l’ emmener là où elle pensait ne jamais mettre les pieds.
Electrochoc!
Elle savait maintenant que c’était fini.
Terminé.
Elle était déjà partie.
Rideau sur l’amour vache!

 

CM

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