Archives pour juin, 2008

tournois        Un amas de lianes et  volubiles passe en flottant sur la Mulamutha, comme une île tropicale en miniature qui pourrait héberger des tribus lilliputiennes. La fumée de leurs feux de camp ne monterait-elle pas au ciel ? Il est suivi d’un autre, et un autre, toute la brûlante après-midi. D’où, et jusqu’où ? En Inde l’imagination en surchauffe met chaque fois l’Himalaya au zénith coruscant et l’océan indien au suant nadir.

Nous démarrions notre vie de couple près de cette rivière, dans une cabane en bambou achetée à un précédent cascadeur de l’esprit. Nous l’appelions « la cathédrale gothique » pour l’arc brisé de son toit au dessus de nous, couchés sur notre matelas sous notre moustiquaire. Meublée ? Deux sacs à dos.

Les fenêtres crevées du mur de château sont comme des yeux arrachés par lesquels passerait étrangement la lumière, projetant sur un écran le souvenir d’autres murs, d’autres ouvertures, d’anciens lieux de vie.

La maison où je suis né. J’y ai assisté à une réception de mariage en temps de guerre, moi et une quarantaine de jambes qui me dépassaient d’une courte tête.

J’ai grandi dans une autre, avec un long couloir à l’étage, terriblement long lorsque, sorti en charpie d’un cauchemar, je rejoignais la chambre – le lit – des parents, contournant la gueule noire de l’escalier qui pouvait me happer au passage.

Un meublé à Londres, si compact que je pouvais, sans quitter ma place assise sur un poste de TSF pour les aveugles (au cadran en braille, voyons), cuisiner sur une plaque chauffante à mes pieds, prendre la vaisselle derrière mon dos, manger en face de mon invité(e) (seul(e) par nécessité dimensionnelle), puis faire la vaisselle dans le lavabo à côté. Il suffisait d’avoir les fesses rotatoires.

Un vieil appartement à Paris, aux craquements et couinements de parquet, aspirant sans conviction à paraître bourgeois et qui transmettait son odeur petite bourgeoise à tout ce qui s’y passait.

D’autres demeures, chacune traînant la trace des joies et remords que j’y ai vécus, comme une comète est suivie par sa queue : maison mauresque en Tunisie, prison (quelle histoire !), minuscule nid sous les toits de Paris.

A présent, et depuis longtemps, la vie de couple initiée sous le toit de cabane s’éternise dans une maison havre, où la vie est sensuelle et monacale. C’est comme un vieux tricot dont la belle laine et le dessin, même raccommodés ici et là, forcent encore l’admiration des passants (et même de nous), mais qui se laisse oublier au quotidien, tellement il a pris les formes du porteur.

Glissons de l’immobilier en pierre et brique pour arriver à l’image figurée. Nous avons notre adresse, mais avec les années qui s’accumulent depuis les îles flottantes nous avons élu domicile l’un chez l’autre, l’un dans l’autre. Seulement, cette image rend pertinente la tente, à peine dans le cadre mais prête à toutes les couleurs pour se faire remarquer, et qui rappelle malicieusement que tout campement humain devra un jour être levé pour le départ.

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Je me souviens…
J’avais 8 ans environ.
Sophie, une camarade d’école m’invitait chez elle ainsi que d’autres fillettes de l’école, les jours où il n’y avait pas classe.
Elle habitait une jolie maison neuve, toute blanche.
Ses parents lui laissaient occuper tout le sous-sol pour jouer et elle y avait installé des tonnes de trésors: dinettes, poupées, jeux d’assemblage, pâte à modeler, et aussi des panoplies de toutes sortes.
C’était pour nous les gamines, une véritable caverne d’Ali Baba!
Notre jeu préféré était celui du chevalier qui va délivrer la princesse.
Il y avait deux rôles principaux à obtenir: celui du chevalier et celui de la princesse.
Or, nous étions toujours au moins 4 ou 5 ensemble chez Sophie.
Le jeu était donc précédé d’une longue négociation :" non pas toi! Tu as déjà fait le chevalier la dernièree fois!" ou encore:" C’est tout le temps toi qui fait la princesse! C’est chacune son tour!"
Puis en général, s’en suivait une bonne bousculade où la plus rapide chipait le costume convoité et du coup les rôles étaient distribués.
Celles qui ne s’étaient pas montré assez lestes endossaient les seconds rôles: elles étaient les pages qui aidaient la princesse à se parer de ses plus beaux atours.
Il fallait alors la coiffer du voile, une sorte de rideau à l’aspect brillant comme du plastique qu’il fallait maintenir avec la couronne ornée de pierreries,couronne récupérée et  conservée religieusement depuis la dernière galette des rois.
Et puis la princesse attendait en soupirant l’arrivée du chevalier.
Celui-ci surgissait enfin, revêtu de son armure en carton.
D’un coup d’épée, il tuait tous les ennemis imaginaires qui séquestraient sa Dame et gagnait  alors le droit de déposer un baiser sur ses lêvres.
Je me souviens que çà m’écoeurait vaguement, ce baiser mou et humide de mes copines de classe.
Franchement, çà ne me disait rien l’amour s’il fallait supporter çà!
Et puis un jour où je faisais la princesse, le grand frère de Sophie ( au fait..qu’est-ce qu’il faisait là dans notre bande de filles? ) celui qui  était en 6éme, au collège, déboula dans notre univers avec sa magnifique armure argentée et son bouclier aux armoiries rouges.
Je lui trouvais une allure folle et il venait pour me délivrer, moi ,sa Dame.
Emue, je me cachais derière mon voile quand il s’approcha de moi.
Comme dans les films à la télé, il mit un genou à terre et porta ma main à ses lêvres.
Je faillis défaillir quand il colla sa bouche sur la mienne pour me donner un bisou sonore.
Un chevalier venait de m’embrasser moi..alors telle la grenouille transformée en princesse grâce à un baiser, je chavirais..
Je venais de tomber amoureuse pour la première fois de ma vie!

CM

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Ce mur troué, avec des ouvertures
au niveau des yeux, de la bouche
ces touffes de cheveux verts à droite, à gauche
On dirait un visage de femme
cachée derrière le moucharabieh

Elle regarde les hommes se battre dans l’ arène
elle a son poulain, son favori
elle craint, elle prie pour son époux, son amant, son ami

Il va se lancer, affronter l’ ennemi, le confrère
pour le plaisir du roi, sur ordre du seigneur
Ils vont s’ entre-tuer, s’ entre-blesser
dans le désir de vaincre pour l’ honneur
ou pour gagner ses faveurs devant la cour assemblée

Le spectacle commence au son des trompes
le sol en tremble, la foule vibre
et que coule le sang, elle hurle son plaisir

Oh moi aussi j’ ai vibré au bruit des fers de lance
aux coups d’ épée des mousquetaires
du Capitan à Jean Marais

Et je me rappelle Aix Les Bains
en vacances, avec mon oncle et ma tante
un tournoi organisé par le cascadeur Yvan Chiffre
Les scènes étaient écrites
le pro devait tomber, c’ était programmé

Il y a eu le bruit de la lance brisée sur l’ armure
le heurt du corps sur le sable
un temps blanc dans l’ assistance
vite comblé par les animateurs

Mon oncle est allé voir sous la tente
pour aider si besoin, il était médecin
Quand il est revenu, il était ému
l’homme était salement amoché
Il regrettait de nous avoir amené là
il était outré aussi, il nous a dit : "jamais plus !"
et nous, les petits, on lui a répondu

"Alors, il est mort ?"

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tournois

C’était au temps du bon Roi Louis. La France était enfin en paix. Les Goddons ( les Anglais ) avaient été repoussés au-delà de la mer ; la Picardie vivait enfin tranquille et prospérait dans ses villes et ses villages.

Mais la frontière restait fragile car ces gueux d’Anglais restaient menaçants. Le Roi veillait à ce que ses barons et ses vassaux fassent bonne garde. D’ailleurs l’un d’entre eux l’inquiétait, le Comte Hugues qui séjournait à Soissons vieillissait. Fatigué par de nombreuses batailles, ses séjours dans les prisons anglaises, il avait perdu sa vigueur de chevalier, ses hommes d’armes n’étaient plus entraînés. Le Roi, était d’autant plus inquiet que dans sa succession le Comte n’avait pas d’enfant mâle. Seule une jouvencelle avait survécu, mais une jouvencelle sous un heaume, ça n’était pas sa place. Alors on la marierait ! Ce ne serait pas difficile car, quoique jeunette, elle était déjà fort belle. Louis dépêcha son émissaire, Godefroy de Chinon pour porter ce message au Comte Hugues et à son épouse la Comtesse Margot.

Au château de Soissons le messager du Roi fut reçu avec beaucoup d’honneurs.

«  Quel message royal me portez-vous sire Godefroy ? s’enquit le Comte

- Le bon Roi Louis vous salue bien, répondit l’émissaire. Il vous fait dire qu’il a décidé de marier votre fille Gabrielle, afin que son époux fasse bonne garde sur cette frontière du Nord du Royaume.

- Mais pardieu, je suis encore bien vivant que je sache, rétorqua Hugues, vexé dans son amour-propre, et j’entretiens ici une bonne troupe d’hommes d’armes !

- Mon cher Comte précisa le messager ce n’est plus suffisant. De nouvelles armes arrivent, les goddons sont maintenant équipés de bombardes. Vos défenses n’y résisteraient pas . Il faut équiper votre château en conséquence.

Après d’âpres tractations le Comte se plia au désir du Roi, et avant de partir Godefroy ajouta : « Pour choisir parmi les valeureux chevaliers qui vous avoisinent, organisez donc un tournoi. Vous y inviterez Arnaud de Coucy et Tristan de Guise. Ce sont des jeunes et fiers chevaliers. Ils s’affronteront en joute et le meilleur épousera Gabrielle. »

Demoiselle Gabrielle, qui écoutait la conversation, fut saisie d’émoi, son cœur tressauta dans sa poitrine. Ainsi le Roi s’intéressait à elle ? Mais elle, elle n’avait pas encore envisagé les épousailles. Du haut de ses seize ans elle n’avait pas encore envisagé de partager sa couche avec un chevalier si beau soit-il. Mais s’il devait en être ainsi que Dieu y pourvoie !

Ainsi fut-il décidé que le Comte et la Comtesse de Soissons organiserait un tournoi à la St Jean. Comme la cour du Château était trop petite pour y tenir de tels jeux on décida d’utiliser le pré jouxtant l’abbaye de Valsery pour s’y ébattre…

Plusieurs mois à l’avance on invita les seigneurs des environs. Ainsi ceux de Reims, Troyes, Laon, Cambrai, Rouen, Beauvais, Noyon furent conviés à se joindre au tournoi avec les deux prétendants. Tous tinrent à s’inscrire, ce tournoi les sortirait de leur château où ils s’ennuyaient ferme en ces temps de paix.

Dans les jours qui précédèrent la St Jean on dressa des tribunes dans le pré. On Y accrocha de riches tapis, les pavillons, les bannières des seigneurs qui allaient s’affronter dans la lice. Celles de Coucy et de Guise y figuraient en bonne place. Tout au long de la semaine, les écuyers s’affrontèrent sur le pré.

Enfin le grand jour arriva… Le bon Roi Louis accompagné de la Reine Marie fit son entrée, escortés du Comte et de la Comtesse qui entourait Gabrielle. La damoiselle éblouissait la Cour, dans sa robe bleu azur ornée des plus belles pierreries.

Les serfs des environs s’étaient déplacés en grand nombre. Ils assistaient au spectacle derrière les palissades. Leurs vivats, pour saluer le Roi et la Reine, montaient dans le ciel.

Au son des fanfares, les chevaliers superbement équipés, accompagnés de leurs écuyers, tous à cheval, entrèrent en lice. Les joutes commencèrent et se succédèrent tout l’après-midi. Bien que saluées par de forts applaudissements tout le monde attendait la dernière joute celle que l’on appelait « la lance de la dame », celle où s’affronteraient Arnaud et Tristan, les prétendants de Gabrielle. …

Eperonnés les chevaux s’élancèrent … le choc fut rude entre les deux cavaliers, mais aucun ne fut désarçonné. Ce fut au troisième galop que Arnaud tomba sur le pré. Tristan fut alors, déclaré vainqueur à l’acclamation des voix.

Le soir au château, revêtu d’habits précieux, sous les regards du Roi et du Comte aux côtés de sa promise Gabrielle, Tristan, tout ému présida aux festivités du repas et du bal qui suivirent le tournoi.

Les épousailles furent décidées pour la St Michel. Et c’est ainsi que l’Evêque, Ogier, entouré des chanoines, reçut le consentement des époux dans sa cathédrale de Soissons.

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tournois La nuit tombait sur la forêt de Retz. Aux abords de l’abbaye des moines de Prémontrés, située à Valsery, le silence était rompu de temps en temps par le hurlement des loups.

Guillaume de Pressigny avait du mal à s’endormir. Pourtant il le fallait car le jour qui se lèverait allait être un des plus importants de sa vie. Il aimait Guenièvre de Coucy et, jusqu’à ce jour fatal, tout semblait les destiner l’un à l’autre. Le père de Guillaume et celui de Guenièvre s’étaient rencontrés et avaient donné leur bénédiction. Une grande fête au château de Pressigny devait officialiser la future union. Au festin, qui avait commencé tôt dans l’après-midi et se prolongeait encore à la nuit venue, il y avait force boissons d’un vin blanc de la région de Champagne qui échauffait les esprits. Enguerrand de Pressigny avait pris violemment à parti Jehan de Coucy à propos de son alliance avec le marquis d’Estrées qui contestait ses droits sur le comté de Vic. Le ton en était si vif et la querelle s’était tellement envenimée que le père de Guenièvre avait fini par souffleter Enguerrand. Ce dernier lui en avait réclamé réparation et la fête s’était achevée aussitôt dans un silence glacial.

Or Enguerrand, une fois dégrisé, se rendit compte que le duel avec son adversaire était perdu d’avance. Ce dernier était rompu aux arts martiaux et participait régulièrement à des tournois qui l’avaient aguerri. Quant à lui, depuis son retour de la croisade de Louis le neuvième, qu’il avait entrepris sous le commandement de Robert d’Artois, frère du roi, sa santé était bien précaire et ses forces l’avaient abandonné. Il ne s’était jamais bien remis des fièvres intestinales contractées dans les marais des alentours de Tunis. Ce n’était pas l’idée de sa mort probable qui lui faisait souci mais la défaite en duel signifiait le déshonneur de sa lignée et l’abandon de ses visées sur le comté de Vic à l’origine de la dispute. Il s’était donc adressé à Guillaume en lui demandant de se charger de laver son honneur à sa place. Voilà pourquoi ce dernier avait du mal à s’endormir : il savait que son union avec Guenièvre ne se ferait point. Que le duel se terminât par sa mort ou celle d’Enguerrand n’y changerait rien.

Le jour s’était levé sur le monastère des prémontrés. Un écuyer s’était rendu au château de Cœuvres pour signifier à Jehan de Coucy que c’était Guillaume qui représenterait son père afin de réparer le déshonneur subi. Pendant ce temps Guillaume s’était confessé et avait assisté à la messe de matines où il avait communié. En tant qu’offensé il avait choisi le lieu du combat : c’était juste à l’extérieur de l’abbaye, dans une clairière située sur la route de Cœuvres. C’était les règles habituelles de ce genre de combat qui s’appliqueraient : les deux adversaires, montés à cheval, s’affronteraient d’abord à la lance, puis, si l’un des combattants tombait, poursuivraient par un duel à l’épée jusqu’à ce que l’un d’eux demande grâce.

Vers midi Jehan arriva accompagné de ses gens d’armes. Il était revêtu de son armure de plates marquée du blason des Coucy : un aigle serrant dans ses griffes un agneau. Son heaume d’acier étincelant était empanaché d’une plume de faisan et il portait sur le dos une cape couleur bleu nuit constellée d’étoiles d’or. A son bras pendait un lourd pavois qui devait le protéger des coups de lance de son adversaire.

Guillaume avait choisi une armure en cottes de maille et son bouclier était beaucoup plus léger donc plus maniable en cas de combat au sol. Ce choix s’avéra judicieux. En effet : après le premier assaut à la lance qui désarçonna Guillaume de son cheval et le jeta à terre, Jehan descendit de sa monture selon les règles courtoises de la chevalerie et attaqua à l’épée. Handicapé par son pavois, il s’en débarrassa et fut alors exposé aux coups de Guillaume sans possibilité de parade. Ce dernier porta alors un coup d’estoc qu’il savait mortel contre les armures de plates et son épée transperça Jehan de Coucy. Un moine recueillit sa confession et lui administra les derniers sacrements dans la clairière. Le soleil filtrant à travers les frondaisons comme à travers des vitraux donnait à la scène une atmosphère de cathédrale silencieuse et recueillie.

Le lendemain, un jeune page de Guenièvre vint apporter une missive dans laquelle elle disait :

« Cher Guillaume, Dieu et l’éternelle fureur guerrière des hommes n’ont pas voulu de notre union. Toute ma vie je resterai fidèle à votre souvenir et irai me retirer au Béguinage de Saint Quentin. Je prierai pour le salut de votre âme, en attendant que la Mort nous réunisse enfin dans la vie éternelle. Adieu donc mon cher amour. Votre Guenièvre. »

Guillaume se jeta à corps perdu dans les batailles que Philippe IV (dit « le Bel ») mena pendant plusieurs années contre la Flandre alliée de l’Angleterre dans ce qui n’était encore que les prémisses d’une guerre qui fut qualifiée plus tard « de Cent Ans ». Il y gagna de nombreux titres de gloire et sa réputation fut connue jusqu’à la cour du roi. Pour le remercier on lui attribua non seulement le comté de Vic que son père avait si violemment revendiqué mais en outre il reçu en prime le comté de Vermandois avec la ville de Saint Quentin où il entra en triomphateur à la tête de ses troupes.

Il se rendit seul au Béguinage où s’était réfugiée Guenièvre et implora son pardon. Celle-ci ne put retenir l’élan qui la poussait et le lui accorda volontiers. Comme elle n’avait pas prononcé ses vœux de chasteté elle épousa Guillaume et leur union fut célébrée par l’évêque dans la cathédrale de Saint Quentin.

Ainsi de temps en temps « l’Amour » l’emporte sur ce que les hommes appellent « l’Honneur », nom pompeux qui déguise leur orgueil. Cela est si exceptionnel que ces histoires parviennent jusqu’à nous, reprises et embellies par de multiples récits, parmi lesquels brillent des auteurs comme Shakespeare ou Corneille.

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La vache !
Elle n’ a pas peur, elle est bien traitée
passe la tête entre les barres de fer
avance vers l’ homme qui recule devant son baiser
Dentition suspecte, odeur prégnante
Pourtant, museau avenant
Désir de rencontre ? en tout cas une avance

Un sourire, et souvenir…

C’ était au Burundi
Voyage organisé, certes
mais concocté par deux aventuriers
nous étions, quel orgueil,
les premiers touristes à visiter le pays et son peuple
avec le grand plaisir, en contrepartie du manque de confort
de ne pas se faire harceler en permanence
par des demandes de bakchichs
(au passage : bonjour, l’Egypte !)

Dans ce voyage là ou un autre
nous étions quelques blancs en cage
c’est eux, les blacks, qui passaient leurs bras
à travers les barreaux pour nous toucher
et puis ils reculaient et revenaient, sans peur
C’ étaient surtout des gosses
qui souriaient de toutes leurs dents blanches

Je reviens au Burundi
il était vieux ? il y a des pays dans lesquels ça se remarque
quand on dépasse la quarantaine,
Un seul chicot jauni dans la bouche édentée
les yeux étaient tout racornis,
avec une tache de sang, des veinules rouges
dans le blanc dur, la pupille était vitreuse

N’ empêche, il me proposa franco de faire l’ amour
et nous avons parlé sans nous comprendre
une forme de rapport… spirituel
primitif de prime abord, mais bien sensitif
 

Juste après, les massacres ont commencé
entre Hutus et Tutsis

Ah, la bête humaine !

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Anaïs que l’on appelle la jersiaise sourit de toutes ses dents, tête renversée, offerte aux caméras dont les flashes crépitent de toutes parts. Un peu niaise en vérité, trop contente d’elle, trop sûre de ses atouts, elle n’affiche aucun sens critique. Elle ne s’étonne même pas d’avoir été ainsi propulsée sur le devant de la scène alors que le prix n’aurait jamais dû lui revenir, aux dires des voisines. Il faut les voir les péronnelles, elles se poussent du coude, notant les hanches proéminentes qui donnent à la démarche une réelle lourdeur lestée par une gorge excessive. Le tout prenant appui, disent-elles, sur une petite taille, légèrement au-dessous de la moyenne. Et son regard, il n’arrange rien son regard, il manque à ce point de flamme que nul n’aurait le désir de le soutenir. Quant à sa conversation, certaines suggèrent qu’il est permis, au vu de son expression, de l’imaginer plate et affligeante. Pourtant Anaïs vient d’être distinguée contre toute attente parmi la trentaine de concurrentes sélectionnées. Elles n’en reviennent pas, les chipies ! Et voilà maintenant qu’elle évolue sur le podium en mesurant ses pas, guidée par Marie-Ange, son coach, une grande femme un peu sèche et visiblement très à son aise. Anaïs rentrera chez elle différente, et différents seront désormais les regards portés sur sa personne. En deviendra-t-elle plus séduisante ? non, persiflent les mauvaises langues, mais il est probable que cette aventure aura pour effet de lui faire ignorer plus encore  les disgrâces dont l’a dotée la nature. Étonnante Anaïs moquée par ses proches, piégée, couronnée de lauriers réputés mal acquis, amenée à parader sous les murmures désapprobateurs au seul bénéfice de Marie-Ange. Celle-là exulte intérieurement sous une allure détachée et hautaine. Incapable de  reconnaissance, elle se moque bien d’Anaïs dont les succès la gratifient. C’est envers elle-même qu’elle dirige des compliments pour avoir misé sur un bon élément, et tant pis si celui-ci n’a pas recueilli l’intégralité des suffrages.

 

La journée s’avance, toutes deux exécutent jusqu’à s’étourdir des circonvolutions et des tours d’honneur, puis en un instant Marie-Ange se renfrogne et coupe court au manège, entraînant la jersiaise dans sa retraite. C’est la proximité d’un groupe de capoeira qui l’a fait se décider. La tête lui éclatait, elle ne supportait plus le vacarme que faisaient ces jeunes garçons en “tapant sur des casseroles”. Non, vraiment, elle préfère de beaucoup les majorettes de Charchigné et la fanfare des Coévrons que le comité des fêtes a évincé cette fois, pour des questions de mode à n’en pas douter.

 

Ces manifestations, Marie-Ange les pratique depuis des années, elle en connaît le déroulement sur le bout des doigts, et Anaïs n’est pas la première qu’elle mène sur les chemins de la gloire. Et pourquoi ce surnom de jersiaise ? c’est elle qui le lui a  donné en raison d’ancêtres lointains du rameau celtique ayant fait souche dans l’île de Jersey. C’est d’un père de race jersiaise intervenu sous forme de paillettes qu’Anaïs tient sa magnifique robe couleur café au lait et cette tête massive à la carnation de café pur mettant en valeur le tour du mufle blanc. Ses cornes, en forme de croissant serré, sont comme il se doit bien dirigées vers l’avant et le bas. Certes, elle a l’oeil bovin, et comment le lui reprocher alors qu’elle correspond en tous points aux  standards  du herd-book de la Jersey Cattle Society. Marie-Ange répète avec orgueil que l’un des premiers troupeaux de la race, à la fin du dix-neuvième siècle,  fut celui de la reine, au château de Windsor. Et si la race jersiaise est méconnue dans nos contrées, Anaïs n’en est pas moins un beau spécimen, une laitière particulièrement productive, très docile, et qui ne demandait qu’à se montrer affectueuse avec des propriétaires aimants.  Marie-Ange, elle, ne s’intéresse qu’à la valorisation de son cheptel et c’est là que le bât blesse.

 

Encouragée par ses nominations, cocardes et rubans, Anaïs prendra vite du poil de la bête et de l’estime de soi. A tel point que les cornes en forme de croissant si bien dirigées vers l’avant ne pourront éviter Marie-Ange, une matinée de septembre pourtant paisiblement commencée. 

 

Manoleta, 26 mai 2008 

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