Archives pour août 31st, 2008

Paille  L’année dernière en Bretagne, la mer et la terre eurent une relation passionnelle. Sur cette côte où sable et roche alternent, l’eau avança en vaguelettes sur les plages, ou y déferla en une rageuse courbe parfaite, adressant un large sourire vers l’intérieur des terres ; et elle caressa en clapotant les rochers, ou les assaillit en soulevant des plumes d’embruns orgasmiques. La terre accueillit ces avances, douces ou brutales, avec la même constance. L’entente fut parfaite.

Spectateur engagé, j’inventai avec délice les mots pour dire cette longue passion. Cette année, assis près de la fenêtre par laquelle on voit l’enclos grandiose de Saint Jean du Doigt – rien n’est trop beau pour enchâsser l’index de Saint Jean Baptiste – je l’écris. Pour ce faire, je repêche la pensée, parfois de loin (ah, ce sourire avait perdu de son éclat en un an !), et la passe en écriture, processus à la fois éclatant et paniquant (encore une relation passionnelle, entre l’auteur et ses mots).

Pourquoi avoir attendu ? En un an, la notion de délai a fait irruption dans la pièce ou la sensibilité littéraire s’alanguissait. Chaque mois, nous devons à Marque-pages un texte inspiré par une image. Ce rythme mensuel marque une des (certes nombreuses) différences entre « écrire » et « être écrivain », dont ce passage d’une obligation de moyens (employer correctement les outils du langage, cela va de soi) à une obligation de résultat. Le délai régulier impose de progresser de l’amuse-gueule de la création cérébrale au régal de l’écriture. Le calendrier bouscule l’inspiration : « Allez ouste ! On y va ! » Il devient clair que si une expérience, une observation, une rêverie n’impose pas d’être validée par l’écriture, au-delà de la parole ou la pensée, elle peut rester dans la conversation ou dans la tête. La place est ainsi dégagée pour une autre bousculade, celle des notions qui réclament d’être couchées sur le papier (ou l’écran). La nécessité devient, par un étrange mécanisme, la capacité de la satisfaire. Les muscles, forcés à se durcir, ne veulent pas se laisser ramollir.

A côté des textes « officiels » du blog, je propose d’ajouter progressivement au présent texte ceux par lesquels une instantanée fixe la galopante éternité. J’invite les lecteurs à y mettre les leurs. Utilisons les Commentaires pour le faire.

Le titre donné à ce texte pointe l’évolution des pratiques depuis le début de Marque-pages. Il aurait pu s’intituler « La moisson d’une année ».

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