Archives pour novembre 18th, 2008

1900 :

Jules tenant son âne par la bride, arrive près du moulin. Jacquet, passant par là l’interpelle :
« Hé Jules, tu vas faire moudre ton grain ?
Eh oui répond l’autre
Sais-tu brave Jules que ce moulin est hanté !
Hanté ? que me chantes-tu là ?
Si, si la sorcière qui y habitait, y revient de temps en temps. D’ailleurs elle a fait pousser une haie de buis pour qu’on ne la voie pas venir… Et tiens-toi bien pour la noce du garçon, il y a une quinzaine, elle avait dit au marié : « même si tu ne m’invites pas, je serai là quand même… » Eh bien ! Tu me croiras si tu veux, lorsqu’on a fait développer les photos, le visage de la sorcière apparaît, on la voit en train d’embrasser le marié !
Ah ben ! si c’est ça marmonne Jules, je vais aller faire moudre mon blé au moulin de Rémy. J’ai pas envie que ma farine soit ensorcelée !

1920 :

Louiset revenu vivant de la « der des der », a épousé Marguerite, et il vient habiter dans la maison qu’on appelle le Moulin des Robert
«  C’est pas une sorcière qui va me faire peur, a-t-il dit. Dans les tranchées j’ai frôlé d’autres fantômes autrement plus dangereux ! »
La roue à aubes du moulin tourne toujours, mais c’est une scie à ruban qu’elle fait fonctionner maintenant .
Louiset s’installe comme scieur de long.

1940 :

L’ancien combattant est désespéré, la guerre est revenue sur les terres de France…
La maison, il l’a rehaussée, car avec Marguerite, ils ont huit enfants, il faut bien les loger. En ces temps troublés, des réfugiés du Nord sont venus s’abriter chez eux. La maison pleine, bruisse de toute part. Elle se réveille très tôt le matin et s’endort tard le soir …
A côté, si la rivière continue de chanter, le moulin, lui, s’est tu, la fée électricité l’a remplacé pour faire tourner la scierie.

1960 :

Louiset malade s’est retiré des affaires. C’est son fils Etienne qui, avec sa sœur Margot a repris le flambeau. Tous les deux sont revenus, avec leur famille, vivre auprès des parents. Il a fallu démonter la roue à aubes pour faire place à l’habitation. Au total dix enfants, leurs parents et les anciens, la maison ressemble de nouveau à une ruche…

1980 :
La maison, le Moulin des Robert, est silencieuse. Louiset est parti vers d’autres cieux. La scierie a été délocalisée, l’espace ici n’était plus suffisant… Au foyer, il y a toujours Marguerite. Margot est restée près d’elle, avec Maurice son mari, et ses cinq grands enfants.
Il fallait aménager l’ancienne habitation, l’adapter à la vie moderne… Marguerite refusant, Maurice a décidé de reconstruire un nouveau logement dans d’anciennes dépendances. L’ancienne demeure s’est ainsi, à nouveau agrandie.

2000 :
J’arrive au Moulin des Robert. Une annonce dans le journal, m’a appris qu’il était en location.
La Grand-mère, et sa fille Margot, ayant rejoint Louiset, les enfants installés, Maurice est tout seul. Il a trouvé asile dans d’autre lieu.
Quatorze pièces ? Cette maison est un vrai château, une vraie caserne !… Mais c’est bien, j’ai de quoi l’occuper …
La rivière qui continue de chanter, me raconte les baignades, les batailles d’eau qu’elle a vécues. Elle me semble dire : «  Viens, j’ai besoin d’entendre rire les enfants, tu verras il fait bon vivre ici ! Sinon, ça deviendra sinistre… comme du temps de la sorcière !… »

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