Archives pour juin, 2009

C’est plus qu’une coquetterie qui me fait publier, avant la fin du mois, cette remarque à la place du texte à accompagner la photo de juin, cet avion qui se signe au ciel. La périodicité mensuelle a pris de l’importance pour moi, ce rendez-vous entre, d’une part le calendrier, neutre mais implacable, qui ne juge ni ne presse ni ralentit l’humain, mais qui offre des repères dans le flux du temps, et d’autre part l’écriture, cette folle entreprise qui consiste à convertir la mémoire, l’observation, la pensée, les émotions en mots, exprimés par des signes sur le papier (l’écran, autant).

Chaque mois, un sujet se présente, et je l’écris. Simple ? Pas tant que ça. C’est que la capacité à manier le vocabulaire, l’expérience de l’écrit, un sens de l’orthographe, ne suffisent pas. Il faut simultanément prendre les commandes et lâcher prise. Une image inquiétante qui me vient serait le geste ferme avec lequel on ouvre une porte, mais qui donne sur l’informe, le confus, le sensuel.

Mon texte, qui s’appelle “Le grand rien”, et qui concerne une journée passée à marcher sur une plage de Goa, en Inde, et d’une rencontre avec un poisson volant (rien que du pertinent !) promettait le pur plaisir de revenir dans ma tête sur ce lieu, cette expérience, ce moment de vie. Je pensais, sans me l’admettre, que pour une fois la porte pourrait rester fermée. Eh non ! Quel sens aurait ce grand rien si je ne le regardais pas en face ? J’ai hésité autant que possible, et assez pour ne pas être à l’heure.

Alors, pas de coquetterie, mais une pirouette pour rester fidèle au rendez-vous de Marque-pages. Au moins ne dis-je pas “S’il vous plaît, M’sieu, le chien a mangé mon cahier.”

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C’était par une belle nuit du mois d’août. J’avais vingt ans. Nous étions allongés sur l’herbe, Mado, ma sœur, et moi sous le ciel allumé de mille étoiles.

Là, sur notre gauche, une étoile filante vient de plonger, elle disparaît derrière le rideau de peupliers…
«  Vite, fais un vœu ! » me dit Mado.
«  Tu y crois, toi à ces sornettes ? » lui rétorquai-je plaisantant à demi.
«  Je n’y crois peut-être pas, mais ce qui est sûr, c’est que si tu n’en fais pas tu ne seras pas exaucé, tandis que si tu en as un, alors… peut-être verra-t-il le jour… »

Je n’ai pas répondu, mais dans ma tête, sûr, j’en avais un : c’était de revoir Minnie !

Minnie ? je l’avais rencontré chez des amis le mois précédent. Tout de suite, son sourire m’avait désarmé. Nous avions passé la semaine ensemble. Visite à droite, visite à gauche, repas au restaurant, pédalo… Ah ! le pédalo ! Tous les deux seuls, sur l’onde… Bien que nos échanges soient restés banals, ce souvenir restait gravé dans ma poitrine, il me faisait mal !…

Avant que nous nous quittions, je lui avais demandé : «  Accepterais-tu que nous nous revoyions,? »
Elle m’avait répondu : «  Non, j’ai déjà un petit copain ! »
Las ! le soleil était devenu gris, d’un coup !
Mais continuant sur ma proposition, je la questionnais : « Alors, plus simplement, puis-je t’écrire ? ». Elle avait, alors dit : «  Oui ! »

Dans cette belle nuit d’été, j’en étais là… Oui le vœu que je formulais derrière l’étoile filante, c’était de revoir Minnie. Mais Mado, ma sœur n’en a rien su !

Une ou deux semaines plus tard, j’eus l’occasion de passer à Lons, son lieu de résidence. Par la fenêtre du train, je scrutais les rues, les quais… Par un heureux hasard peut-être allais-je l’apercevoir ? Mais non rien ! Je retournais dans ma solitude, sous mon ciel gris ! Seule la correspondance me rattachait un peu à elle, occasionnellement…

C’est en septembre que la lettre arriva ! cette lettre où Minnie m’annonçait qu’elle avait rompu avec son petit copain… Du coup, elle acceptait que nous nous retrouvions !
Cette lettre, je l’ai lue et relue et par magie le soleil était revenu plus brillant… le ciel s’éclairait !…

Oh ! merci Mado de m’avoir dit de faire un vœu ! La chance a voulu que cette étoile filante m’apporte le bonheur !


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 Souillant la perfection d’un ciel uniformément bleu, une ligne de nuages blancs semblent courir derrière une flèche d’argent. Pour la plupart des gens ce n’est qu’un avion qui passe. Les images qui se forment dans leur tête sont celles des voyages qui les ont marqués : pour les plus favorisés la colline du Corcovado à Rio, les gratte-ciel de New-York et pour les plus modestes la découverte de la Corse. Pour moi c’est différent car j’ai passé vingt ans sur un aéroport à côtoyer ces avions. Dans ce grand livre de la vie dont j’écris le dernier chapitre, ils occupent la partie centrale : celle de mon activité professionnelle. Les souvenirs reviennent sans effort et plus particulièrement ceux des sensations des premiers jours.

C’était par un petit matin d’hiver froid et brumeux… J’avais garé ma voiture sur le parking du personnel de la compagnie, présenté mon laissez-passer tout neuf à un agent de la Police de l’Air et des Frontières et m’étais engagé dans la zone « strictement réservée aux personnels autorisés ». Mon cœur battait un peu fort car, pour rejoindre mon bureau, je devais traverser le « taxiway », mot qui désigne la voie de circulation des avions entre leur point de stationnement et la piste d’envol. Non, ce n’était pas la crainte qui accélérait mon cœur mais l’excitation de pénétrer dans un territoire encore inconnu!
Cinq ans auparavant, mon premier poste à la compagnie avait été l’un de ceux qu’on qualifie d’ « État - Major », qui vous donne l’impression que vous êtes important parce que vous rencontrez la Direction Générale mais n’offre aucune prise sur les réalités du terrain. Las de cette ambiance feutrée et glacée des bureaux, j’avais demandé à « aller au charbon », et c’est ainsi que je me retrouvai à Roissy pour y exercer cet emploi opérationnel souhaité en qualité de responsable de la Division « Avion », un service fort d’un millier de personnes travaillant nuit et jour.

Ma toute première impression fut une odeur : celle du kérosène brulé dans les réacteurs qui imprégnait l’atmosphère. Cette présence olfactive ne m’a plus quittée pendant les vingt ans qu’il me restait à faire. Puis ce fut le bruit, à la limite du supportable, lorsqu’un avion passa en roulant à quelques pas de moi pour aller se ranger devant un « satellite » de l’aéroport.
Des manutentionnaires (l’une des catégories de mes nouveaux employés) s’étaient précipités et avaient ouvert le ventre de l’avion pour en extraire les bagages et le fret. Un homme à l’uniforme blanc, un « mécanicien avion », faisait le tour de l’appareil, une lampe torche à la main, et examinait les réacteurs et les pneus pour voir s’ils n’avaient pas eu de blessure. D’autres vidaient les toilettes ou les restes des « plateaux-repas » avec des camions aux formes particulières. Je pris soudain conscience que j’étais dorénavant le nouveau maître du ballet complexe qui se déroulait sous mes yeux ! Il m’appartenais d’en choisir les moyens en hommes et en matériels, d’améliorer les procédures existantes ou d’en découvrir de nouvelles. Ma finalité (je veux dire celle de mes équipes…) était de traiter ce bel oiseau de métal quand il arrivait au sol, puis de le préparer pour le vol suivant
Pour la plupart des gens l’avion n’est qu’un « moyen » de transport, certes un peu plus prestigieux que les autres, mais qui ne sert qu’à rejoindre une destination. Pour moi c’était devenu le but, l’alpha et l’oméga de mon activité.

J’ai appris peu à peu à le connaître plus intimement. J’ai pénétré dans ses soutes, manipulé les systèmes de chargement des conteneurs à bagages ou des palettes de fret. J’ai appris à répartir les charges pour que le centrage soit à la fois sûr et économique. Avec de gros et puissants tracteurs qui paraissaient pourtant tout petits sous le ventre des grands Boeing 747, je me suis attelé à sa roue avant et j’ai tracté l’avion pour qu’il dégage de son point de parking. Au sein de la petite équipe qui aide au départ j’ai agité la main pour saluer le pilote pendant que le mécanicien levait le pouce en l’air pour signifier que la voie était libre…
A l’étage de l’aérogare, se trouve le niveau « Passage », ainsi appelé parce que c’est là qu’on s’occupe des passagers. Ce n’était pas mon domaine. En contraste avec la « Piste », tout ici n’est que lumières scintillantes, parfums et sourires de femmes. Le bruit des avions, paraît lointain et étouffé. Il est interrompu de temps en temps par un carillon, suivi de cette incroyable et sensuelle voix d’hôtesse : « Ding - Dong !…Départ du vol AF 001 à destination de Rio, embarquement immédiat porte N° 5 » . Changez de ville, changez d’aéroport, tout est affaire de décor mais pour la plupart des gens c’est à cela qu’ils pensent quand ils évoquent un aéroport.
Au ras du sol : c’est la « Piste » et c’est très différent ! En distance, elle est très proche du « Passage » mais un monde sépare les deux services. La Piste est un univers essentiellement masculin et rude. Il fait trop chaud l’été et froid l’hiver sur son sol entièrement bétonné. La neige et la glace tiennent longtemps parce qu’il est interdit d’y déverser du sel, trop corrosif pour l’aluminium des avions. Le hurlement de sirène des réacteurs suspend régulièrement toutes les conversations.. En Piste, il règne l’atmosphère bruyante d’un port, avec ces manutentionnaires conduisant des engins de chargement, les bagages aux étiquettes multicolores et les marchandises exotiques qui évoquent les pays lointains. Dans les salles de repos du personnel les uniformes des diverses catégories forment une palette de couleurs vives illuminées par les bandes réfléchissantes de sécurité. On raconte son dernier voyage en « G.P » (terme qui désigne les billets à prix très réduits offerts par les compagnies aériennes à leurs employés) et les rires fusent de toutes parts. La brise qui s’infiltre dans les bouches d’aération apporte l’odeur du kérosène et le bruit des réacteurs. Ici, rien n’est climatisé mais en toutes saisons il y a la chaleur humaine, la fraternité d’une équipe et la satisfaction du devoir accompli quand l’avion part à l’heure. Mais stop ! Il me faut vite endiguer ce flot des souvenirs qui m’envahit. Aujourd’hui, allongé sur cette chaise-longue de ma maison de Picardie, est venu le temps de contempler en simple spectateur ces traces dans le ciel sans que je pense à ces avions que j’ai fréquentés pendant vingt ans!

Jean

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