Le petit blond, le grand brun. Ils échangèrent un regard. Ce fut le premier mais loin d’être le dernier de la journée. Il voulut dire “Alors, on y va ?” Ils passèrent la porte du Créatoire, parée de croix, de croissants, d’étoiles et de grigris.
TP, les cheveux et la barbe en bataille, comme depuis le début de la semaine, était à peine visible dans un nuage de particules.
“Bonjour ! Bonjour !” Toujours aimable, tant que Son ire ne faisait pas tourbillonner les nuages. “Soyez des anges, fermez vite. Sinon, on en aura partout.”
« C’est quoi ? »
« Je l’appelle « poussière ».
« Et c’est pour quoi ? » Ils échangèrent un regard qui voulut dire « Ca recommence. »
« J’ai crée la Terre, mer et terre, le soleil et la lune. Bien, mais comment voir un rayon de soleil ? Avec la poussière, un bébé dans son berceau pourra s’en étonner, en essayant de toucher le rayon de lumière. C’est pour ça, un pur bienfait pour mes créatures. »
« C’est quoi un berceau ? »
« Un lit de bébé. » A Son ton, un nouveau regard fut échangé, qui voulut dire « Oh là, faire gaffe. »
« Je dois tout créer, tout, tout, tout. Les arbres, les arbres manivelles, le savon, la roue, la confiture d’orange, l’aspirine, les équations quadratiques. Eux ils ne feront jamais que découvrir, ou bien « inventer » (qui veut dire « trouver » en latin) ce que j’aurai créé. Alors, si je dois tout expliquer en même temps… »
Le petit blond, le grand brun mirent leur tablier. « J’époussète, tu balaies ? »
TP, le Tout-Puissant, était déjà ailleurs, l’air préoccupé. Un nouveau regard fut échangé, qui voulut dire « Quelque chose se mijote, dirait-on. »
« J’ai décidé de fignoler l’homme et la femme. Allez, Me regardez pas comme ça. Vous êtes arrivés à vos fins pour l’autre, maintenant laissez Moi tranquille. »
« Mais c’était obligatoire, TP. Garder l’ouverture en haut pour le souffle et la parole, et utiliser celle d’en bas aussi bien pour manger que pour éliminer, ça ne pouvait pas aller. Figurez-vous que les convives à un dîner en ville eurent été obligés de se mettre debout chaque fois qu’ils voulaient déguster. Et le danger des fourchettes… »
TP grommela dans Sa barbe : « … aurais pu créer une cuiller pour ça ! » Puis Se repencha sur Ses plans chiffonnés.
L’un épousseta, l’autre balaya.
TP toussa, agita Ses plans. « Voilà.. » murmura-t-il. Le petit blond, le grand brun échangèrent un regard, qui voulut dire « Allez, faut se le taper. »
« Changer l’homme et la femme, mais comment, Tout-Puissant ? » Ils prêtèrent leur bienveillante attention.
« Je vous expliquerai. » A quoi çà sert d’avoir des anges, autrement ? S’ils se comportent comme des démons… « Une énorme idée. Une é-norm-e. » Il Se frotta les mains.
« Je vais faire de l’arbre à bébés un bananier, et mes créatures se reproduiront autrement. Tout autrement. » Il ne put S’empêcher de prendre un air entendu. Les anges échangèrent un regard qui voulut dire « Du grivois, tiens tiens. »
« Mes êtres, homme et femme, s’uniront pour faire un bébé. Regardez, j’ai fait un croquis. »
Le petit blond, le grand brun examinèrent le papier. « Mais, TP… »
« Commencez pas. Il ne reste que quelques heures avant le jour du repos. J’ai passé tant de temps à redessiner la femme que, pour l’homme, j’ai dû juste fixer le complément nécessaire dehors, sans tout reprendre. »
« Ca s’appellera « le complément nécessaire », alors ? »
« Pas encore décidé. »
Ils échangèrent un regard angélique, qui voulut dire « Procédons avec précaution. »
« C’est… intéressant. Mais les hommes et les femmes voudront-ils s’y plier ? »
« Ma toute dernière création, J’ai juste le temps, sera l’Amour. C’est ça qui fera fonctionner tout le système. Ainsi, Mes êtres seront fous les uns des autres. »
En enlevant leur tablier, les anges échangèrent leur dernier regard de la journée et de la Création. Il voulut dire « Ca marchera jamais, jamais. ». Et le petit blond, le grand brun partirent, bras dessus, bras dessous, faisant leur chemin à travers les Champs Elysées, le Paradis à gauche, Nirvana à droite. Plus œcuménique, tu meurs.
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J’aime ce genre d’Histoire” revisitée, à la manière des Monty Python (leur “sacré Graal ou la vie de Brian)…Si le sujet est quand même l’Amour (avec un grand A), il montre que les hommes ont toujours le besoin de se représenter Dieu de manière “anthropomorphique”, si possible barbu, et tâtonnant avec sa création. Pourtant, au fin fond fond d’une galaxie dont le cœur est un trou noir, un Dieu à l’allure terrible et monstrueuse, à la forme inimaginable par les humains, doit bien rire (encore une notation anthropoïde!) en lisant ton texte!