Archives pour juin 5th, 2010

Un vieil adage dit que « l’arbre cache la forêt ». On peut dire que notre question franco-française sur l’immigration, qu’elle soit évoquée par les gens ordinaires ou la classe politique, relève de cet aveuglement.  Obnubilés par la stigmatisation qu’on en fait : surpeuplement d’immigrés dans certains quartiers, abus ( ?) d’utilisation de nos prestations sociales diverses, comportements ethniques, nous refusons de voir que l’immigration est un phénomène sociologique profondément inscrit dans les comportements de l’humanité, voire dans ses gènes.

Le grand (l’immense) Fernand Braudel a écrit, bien avant que le mot « identité » ait été utilisé dans le sens étriqué que lui donnent nos hommes politiques, un ouvrage d’un millier de pages intitulé : « l’identité de la France ». S’étendant sur quatre millénaires, il montre l’extrême diversité qui a formé ce que d’aucun voudrait simplifier et regrouper sous le vocable « identité ».

Certes la couleur noire d’une peau est facile à distinguer et catalogue immédiatement son porteur dans la catégorie des immigrants africains mais qu’en est-il de celui-ci : peau blanche mais très mate, cheveux noirs profonds, nez allongé ? On peut imaginer que ces « arabes »de type « sémite » que notre Charles Martel (ce nom a été utilisé par des groupes xénophobes d’extrême droite) a vaincu à Poitiers ont du laisser quelque descendance.  C’est là une des premières formes d’immigration : celle des invasions consécutives aux conquêtes guerrières. Pas la plus ancienne toutefois… Il y a près d’un million d’années, lorsque les conditions climatiques de la vallée du Rift africain de sont durcies, les peuples d’hominidés qui vivaient paisiblement de la cueillette de baies dans la forêt ont du émigrer. Cette fuite les a amenés aux confins du monde, à des milliers de kilomètres. Cela peut sembler incroyable mais songez qu’un simple déplacement de 10 kilomètres par an vous fait faire plusieurs fois le tour de la terre sur l’étendue des temps préhistoriques (dizaine ou centaine de milliers d’années). L’homme de Neandertal, installé paisiblement en Europe, n’y a pas résisté. On ne sait pas encore aujourd’hui s’il y a eu éviction ou assimilation, car l’interfécondité entre « Homo sapiens » et Neandertal n’est pas démontrée. Ce qui est sûr c’est que les deux cent mille ans qui ont précédé leur « extinction » sont une durée immense comparée à notre temps historique ! Posez vous simplement la question : que sera le paysage français dans cent mille ans ? Y aura-t-il encore des « banlieues » ou la population noire est ghettoïsée, ou bien à l’inverse la population blanche s’y sera-t-elle réfugiée ?

Le « capitalisme » a inventé une autre forme d’immigration. Les « Etats-Monde » (je reprends le terme utilisé par Braudel) ont eu besoin de main-d’œuvre pour faire face à leur développement économique (Etats-Unis, Europe,  Russie tsariste). Pour répondre à ces besoins ils ont importé massivement des immigrés. Ce sont les restes de ces vagues qui nous perturbent aujourd’hui.

Je suis désolé de vous avoir ennuyés et amenés si loin dans l’espace et le temps pour vous parler d’un sujet somme toute aussi banal que celui de l’immigration. Vous auriez pu profiter d’une jolie nouvelle racontant comment mes ancêtres croates émigrèrent vers la République de Venise  dans le quartier ghetto des « Schiavoni », c’est à dire des Esclaves , puis en Afrique du Nord à la recherche d’un Eldorado qu’ils n’ont pas trouvé avant de se fixer en France ajoutant une facette supplémentaire à cette identité française… C’est que je suis fait comme cela : toujours je balancerai entre ces désirs complémentaires de la « grande » et de le « petite » Histoire, celle des hommes en général et celle d’un individu.

 

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