Ancienne chaussée romaine

Ancienne chaussée romaine

L’accélération des découvertes scientifiques et l’omniprésence dans nos vies quotidiennes des objets qu’elles ont produits (Automobile, Télévision, Ordinateur) peut donner l’impression que le monde romain, comme celui de Sénèque auquel est consacrée l’exposition de la Bibliothèque de Soissons, est très éloigné du notre. Or la lecture des philosophes grecs ou romains nous montre une proximité de pensée qui nous surprend. Rien d’étonnant à cela : au sens de l’évolution biologique, les deux mille ans qui nous séparent de l’apogée de l’empire romain ou grec ne représentent qu’un instant infinitésimal.
Certes les informations accumulées dans les têtes de nos enfants ont une diversité et une étendue plus grande que celle des petits romains, mais l’aptitude au raisonnement, la réflexion, l’intelligence en somme, n’ont pratiquement pas évoluées.
C’est la raison pour laquelle la philosophie de Platon ou de Sénèque,  leurs enseignements sur l’économie ou la condition humaine nous semblent si proches et sont constamment étudiées encore de nos jours.
La raison en est que  les principales préoccupations humaines demeurent inchangées : le Bonheur, la Vie, l’Amour, la Richesse.

Je me souviens du village minier de l’ouest tunisien où je revenais régulièrement aux grandes vacances rejoindre mes parents après mes études à Tunis. Le lieu s’appelait Garn Halfaya, ce qui, en arabe, veut dire approximativement : « la pointe de l’alfa ». Ce nom provenait de cette herbe filamenteuse qui recouvrait la steppe semi-désertique, herbe qui ondulait au gré du vent comme des vagues de cheveux blonds parcourant les vastes paysages jusqu’aux confins du désert saharien.
A la sortie du village il y avait les restes d’une ancienne ville romaine. J’aimais me promener dans ses  rues. Les murs des maisons ne s’élevaient plus qu’à une cinquantaine de centimètres mais on devinait le plan des pièces et on repérait facilement le seuil des portes d’entrée à la grande pierre de taille qui le composait. Avec un peu d’imagination - mais quel enfant n’en a pas - on côtoyait les fantômes des anciens habitants vacant à leurs occupations.
Après les pluies je découvrais souvent des pièces de monnaie au milieu des habitations. Je les nettoyais au jus de citron et déchiffrais les noms des empereurs romains dont les noms étaient « Maximus » ou « Phillipus ». Je recherchais dans les dictionnaires leurs histoires, violentes et souvent courtes. Assis sur les vieilles pierres, dans le silence qui n’était rompu que par le chant des alouettes enivrées de soleil, je méditais sur la fragilité des empires. Cette proximité « physique » avec les restes de l’Empire romain m’a aidé par la suite à mieux pénétrer dans la lecture des récits anciens. Nous sommes plus sensibilisés aux évènements qui se passent dans un endroit qu’on connait. Ne vous sentez-vous pas plus concernés parce que c’est  au coin de votre rue que tel ou tel évènement s’est produit ? C’est l’impression que j’avais quand je lisais Sénèque ou Plutarque. Et que dire de Saint Augustin, né dans un village situé à quelques dizaines de kilomètres seulement de la mine de Garn Halfaya ? C’était quasiment un compatriote pied-noir !

Ainsi nous aimons ce que nous connaissons et à l’inverse nous repoussons ce qui nous est étranger. N’est-ce pas là la source de la xénophobie ? Je repense au thème de l’immigration, qui a donné lieu à une exposition récemment. Ce Sénèque, né à Cordoue et mort  à Rome, et Saint Augustin né à Souk-Ahras, mort à Sousse, illustrent mes propos d’alors : le goût de la découverte et la migration pour la satisfaire sont un désir fondamental  de l’Homme. Nos lois locales peuvent s’y opposer temporairement mais l’Histoire de l’humanité est aussi celle de ses migrations.

 

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