Archives pour juillet 3rd, 2010

Regardez ce bel et grand oiseau ! Ses plumes sont d’un rouge éclatant. Pour l’instant il est au repos sur le sol et il forme, vu d’en haut, comme une grande fleur rouge éclose au milieu de la prairie.
Il déploie ses ailes et les secoue dans un simulacre d’envol pour s’assurer de leur force retrouvée.
La pluie a cessé, laissant derrière elle de petites flaques d’eau et dans l’air une odeur de forêt vierge.

Soudain, entre deux gros nuages, le soleil apparait, cercle d’or éclatant, éclaboussant de sa lumière le plumage de l’oiseau de feu.

Voila l’instant que je préfère dans ce mythe du Phénix : celui où l’oiseau vient de renaitre de ses cendres. Il est là, un peu maladroit encore, comme un nouveau né qui effectue ses premiers pas.
Il tourne sa tête vers l’astre solaire et se souvient de tout ! Il a vécu cette situation un nombre incalculable de fois. Il sait que, s’il garde ses ailes déployées, le soleil va sécher ses plumes encore humides. Alors il s’envolera vers Lui. C’est son But, son Rêve, son Destin, son unique ambition : atteindre cet astre qu’il sait pourtant inaccessible !

Le mythe du Phénix, comme celui de Prométhée (qui déroba le feu aux dieux) a fait beaucoup de petits en littérature depuis l’Antiquité. C’est le héros romantique par excellence, en révolte contre le sort qui l’accable. Comment ne pas l’aimer ? C’est Don Quichotte, le comte de Monte Cristo, Cyrano de Bergerac ou celui de Faust vendant son âme au diable. C’est un mythe qui nous rattache à la notion de sacrifice : celui où l’Amour l’emporte sur la Raison.
Ce qui rend admirable notre « oiseau-héros » c’est qu’il a conscience de ses actes. C’est pourquoi  il est un héros. Sinon il serait un fou qui n’aurait pas prévu la conséquence de son acte.

En matière de mythes on trouve de tout et chacun a son contraire.
Prenez celui de Sisyphe : pour une raison indéterminée, cet homme a été condamné à remonter un énorme rocher au sommet d’un colline, puis, après l’avoir fait dévaler la pente, recommencer «  éternellement ».
Albert Camus a rédigé un essai en 1942 intitulé « le mythe de Sisyphe ». Il décrit ce qu’on nommera après lui un « anti-héros », préfigurant le personnage qu’il mettra peu de temps après dans son célèbre roman « l’Etranger ».

« Aujourd’hui maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas » dit Meursault au tout début du roman. Notre moderne Sisyphe a perdu la notion du temps, brouillée par la répétition et la banalité des actes de la vie quotidienne.

Ainsi le mythe de Sisyphe semble opposé à celui du Phénix : Héros romantique contre anti-Héros d’un monde absurde.
Personnellement je crois qu’il y a une similitude à peine cachée, en dehors du caractère répétitif de leur existence. J’en ai trouvé la confirmation dans la description de l’instant préféré par Camus. Il se situe pendant le retour vers le pied de la colline où l’attend le rocher. C’est là que Camus dit s’intéresser le plus à Sisyphe.

«Je vois cet homme redescendre d’un pas lourd mais égal vers le tourment dont il ne connaîtra pas la fin. Cette heure qui est comme une respiration et qui revient aussi sûrement que son malheur, cette heure est celle de la conscience. A chacun de ces instants, où il quitte les sommets et s’enfonce peu à peu vers les tanières des dieux, il est supérieur à son destin. Il est plus fort que son rocher.»

Car, en vérité, Sisyphe, comme Phénix, s’attache  à son idéal. Tous deux assument leur destin héroïque. L’un aspire au divin et à l’élévation, l’autre - plus humain - n’a d’ambition que d’accomplir son travail d’homme et remonter son rocher au sommet de la colline.
Ainsi en nous se manifeste tantôt l’un, tantôt l’autre de nos deux héros, chacun prenant tour à tour le dessus. Et c’est notre raison qui veille à un juste équilibre entre eux, entre Idéalisme et Matérialisme, entre Résignation et Révolte.

Jean

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