Archives pour novembre 5th, 2010

Lorsque mes parents étaient encore en vie,
chaque fois que j’allais leur rendre visite,
je trouvais un moment pour parcourir les albums de photos de famille.
Je m’installais sur le vieux canapé prés de ma mère
et elle feuilletait ce que j’appelais dans mon esprit « Le Livre du Temps ».
Epaule contre épaule, avec cette proximité physique que nous n’avions plus eue depuis mon enfance.
Nous laissions nos souvenirs errer deci-delà, comme emportés par une brise légère,
voyageant à travers le Temps et l’Espace.
Les doigts de ma mère, déformés par l’arthrite,
tournaient les pages à la recherche du temps perdu,
s’arrêtant de temps en temps sur une photo qu’elle commentait.
Là il y a cette cousine d’Italie dont j’étais secrètement amoureux,
et puis là mon grand-père tenant sur son doigt ce moineau qu’il avait apprivoisé.
Quelquefois, sa langue natale, l’italien, remontait à la surface,
et c’était dans cette langue que ma mère me disait : « Ti ricordi, Jean ? »
C’était doux et amer à la fois…(« Amarcord  » *)
La mémoire est comme la terre de nos jardins :
il faut la retourner de temps en temps, l’aérer, l’enrichir quelquefois…
Les photos ont emprisonné et comme figé ces instants de notre passé.
Elles attendent nos visites pour s’animer et reprendre vie.

Ces albums étaient des objets précieux.
Ils avaient leur existence propre, réelle et concrète.
Ils habitaient avec nous, dans nos armoires.
On leur rendait visite souvent.
Aujourd’hui, avec l’ère du numérique, ils sont une suite de 0 et de 1 dans l’univers binaire de nos ordinateurs.
Nos souvenirs y resteront enfouis à jamais.
Ils finiront leur vie dans un disque dur jeté à la déchetterie
parmi les nombreux restes de notre civilisation.

 

Jean

 

* « Je me souviens » en dialecte romagnol.

Aucun tag pour cet article.

Ecrits relatifs

Comments 4 commentaires »