Archives pour février, 2011

steradent2Le printemps s’approche. Bientôt, sa lumière fera renaître la nature et allumera les regards portés sur elle. En l’attendant, c’est un éclairage de supermarché soissonnais qui illumine ce chariot et son contenu.

Que faire en écriture de cette image ? C’est la question à laquelle pourront répondre les auteurs au mois du printemps.

 

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“Meneuse de revue”, “Arbre lumière”, “Tournez manège”, Vélo sandwich” : les titres retrouveront aisément la bonne image. En les rédigeant, les photographes participant à un concours photo du Foyer thérapeutique de Soissons et l’hôpital de Prémontré font preuve d’à-propos, d’esprit. Ces titres ajoutent un éclairage qui renforce ou détourne le sujet.

Mais ce qui importe, à part la maîtrise technique de ces photos, exposées actuellement à la Bibliothèque de Soissons, est le choix opéré par les yeux des photographes. Il faut imaginer leur regard à la recherche d’un sujet, paysage, créature ou objet qui vaut la peine - ou qui vaut la joie - qu’ils le fixent avec l’objectif.

Philippe Potier, animateur de l’atelier, explique l’utilité pour des patients psychiatriques. « Dans le cas des personnes psychotiques, la photo les aide à retrouver une réalité, à voir la même chose que tout le monde. »

De nombreuses photos sont “poétiques”, c’est à dire saturées de sens, dépassant le documentaire pour atteindre l’émouvant. Serait-ce l’occasion pour nos auteurs de se tourner vers la poésie pour traduire leur réaction à cette exposition ? Ou de considérer la réalité que nous partagerions dans la photographie ?

L’exposition est ouverte jusqu’au 12 mars.

 

 

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Juan s’est réveillé tôt ce matin du 22 juin car Ramon l’attendait à l’aéroport de Mexico. Ils font  équipe tous les deux à l’Université et sont spécialisés dans l’étude de la civilisation Maya.
Ramon possède un petit avion et ils partent ce matin pour Chichèn Itzà assister au jeu d’ombre que forment les gradins de la pyramide le jour du solstice d’été. A midi, cette ombre représente le terrible serpent à plumes Quetzalcóatl, dont la tête vient reposer sur le sol comme pour le fertiliser.
Le jour du solstice (d’hiver ou d’été) est toujours particulier. Ce jour là il peut se passer des tas de choses : il nait un Messie dans une grotte de Palestine, des druides arpentent les forêts pour cueillir du gui, des foules se rassemblent à Stonehenge autour des grands mégalithes. D’autres événements merveilleux peuvent se produire car les forces telluriques du Monde s’agitent et se retournent comme un Dieu qui se réveille.
Pendant que le regard de Juan se perd dans le moutonnement infini de la forêt, son esprit part à la dérive. Des mots étranges se forment dans sa tête : « le sang de l’ennemi toltèque fertilisera les champs de maïs ».
Tout à coup sa rêverie est interrompue : le moteur du Beechcraft toussote un peu, comme atteint d’une crise de hoquets, puis s’arrête. Ramon garde son calme, tente de remettre le moteur en route mais en vain. Son regard cherche une éclaircie dans la forêt. Une sorte de clairière semble propice à un atterrissage de fortune. Evitant de justesse la cime des grands arbres qui bordent la trouée, Ramon pose l’avion sur un sol recouvert des restes d’une coupe d’arbres. L’avion culbute et glisse sur plusieurs mètres.
Un grand silence suit le fracas de l’accident. Les oiseaux se sont tus et les petits singes noirs se serrent les uns contre les autres, effrayés et attentifs.
Des hommes, sortant de quelques cabanes forestières s’approchent. Ramon est mort sur le coup. Juan n’est pas très en forme. On le transporte dans une des maisons. Lorsqu’il ouvre les yeux il voit le visage ridé d’une vieille indienne qui l’observe.
« Ne t’agite pas, tu vas t’en sortir. Pablo est allé au village pour prévenir de l’accident. Les secours seront là, demain ou après-demain. »
Juan a du mal à émerger. Il a mal à son arcade sourcilière. Du sang coule encore un peu de sa blessure et un ruisseau ramifié relie son œil à la commissure de ses lèvres. Le goût du sang dans la bouche lui est familier. Les mots qui l’obsédaient tout à l’heure reviennent dans son esprit : « le sang de l’ennemi toltèque… » Il sombre dans l’inconscience.
Au réveil, c’est le visage d’une autre indienne, toute jeune celle-là. Son œil lui fait encore mal mais il n’a plus le gout du sang dans sa bouche.
« Ramon ? »
« Ton ami ? Malheureusement il est mort. Sur le coup. Ne t’agite pas, ici tu es en sécurité»
Juan a du mal à comprendre. « En sécurité », pourquoi ? Y aurait-il un danger ?
La nuit semble tombée. Il n’y a pas d’électricité dans cette maison. Juste une petite lampe à huile qu’il aperçoit sur une table rustique. Dehors on entend des tambours. Leurs percussions résonnent dans la tête de Juan. Mais peut-être est-ce le sang qui cogne dans sa tête douloureuse ?

Des hommes viennent le chercher. On le transporte sur un brancard de fortune. Vers quel endroit ?
Les tambours ne cessent de résonner. Leur rythme s’est accéléré. L’un des hommes de l’escorte est habillé d’une sorte de grande toge blanche. Peut-être un infirmier ? Bizarre…
Les Aztèques sont cruels. Les Toltèques sont leurs ennemis. Il faut leur échapper. Peut-être pourra t-il bénéficier de l’obscurité pour le faire ?
Son ami Ramon a été tué. Son corps est sur une grande dalle de pierre, au centre de la clairière. Les hommes repoussent le corps de Ramon et on l’installe sur la dalle en pierre. Il sent les aspérités sur sa nuque. Il sombre dans l’inconscience.
Il se réveille. Les tambours se sont encore accélérés. Des feux éclairent la voute sombre de la forêt alentour. Des herbes aromatiques ont été jetées dans les flammes et leurs senteurs enivrantes masquent l’odeur du sang.
Le sacrificateur Aztèque vient vers lui, son couteau de pierre à la main. Sa robe blanche est illuminée par le sang des Toltèques vaincus. Il est maintenant parfaitement éveillé, loin de ce rêve bizarre dont il a eu du mal à sortir. Car il est certain qu’il sortait d’un rêve. Un rêve fantastique et merveilleux, dans lequel il volait avec son ami Ramon dans un étrange insecte volant au-dessus d’une grande cité. Il est maintenant dans le monde réel et il va mourir, comme Ramon et ses autres amis Toltèques.

Jean

 

Nota :

Les expériences de « N.D.E » (Near Death Experience » montrent que les personnes qui les ont vécues ont quelquefois accompli des voyages temporels. C’est ce que j’ai essayé d’écrire ici avec ce spécialiste des civilisations Mayas qui est sacrifié sur un autel rituel. Mais à quelle époque ?

 

 

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J’ai changé cet écrit, publié le 31 janvier, car il s’arrêtait trop brusquement. Je voulais éviter une conclusion facile, positive ou négative, mais ne pas conclure du tout n’était pas la solution. Voici un essai différent.

La vitesse de la lumière est le temps qu’il faut pour que ce qui se voit fasse sens.

Cognée par la tête de son père se penchant sur lui avec tendresse, l’ampoule se balançait d’un côté à l’autre, une boule de lumière au milieu des urgentes ombres qu’elle faisait galoper sur les murs. Trop petit pour comprendre pourquoi, l’enfant Ernest allait toute sa vie avoir peur de cette alternance brusque de l’obscurité et de la lumière. Il s’y cachait la trace de doute qui accompagnait sa certitude que son père l’aimait.

lumiere-21Il avait une sainte terreur des feux d’artifice de fin d’été au bord de la mer. Sa mère supposait une crainte des fusées, dont l’une était tombée un soir sur le manteau d’une spectatrice hystérique derrière eux. Ernest lui-même n’aurait pas pu dire la raison : l’éclat des étincelles sur le ciel noir l’atteignait au-delà de la parole.

Il mena sa vie d’enfant, d’adolescent et de jeune homme de façon à éviter des écueils pareils, sans oser scruter ce gouvernail qui dirigeait sa barque. En fait, « oser » n’est pas le mot, car il ignorait le défi. Sa peur étant sourde, elle n’entendait pas la raison.

A sa première sortie avec une jeune fille blonde, alors que la conversation se détendait et que leurs corps faisaient connaissance en dansant, un stroboscope se mit en route. Ernest fit semblant de devoir vomir. Il étouffa son haut le cœur dans un mouchoir jusqu’à l’arrêt de la vibration lumineuse. Dommage que ce fût à leur premier rendez-vous : la fille était trop belle pour être prévenante avec les nouveaux soupirants. C’était à eux de se prouver dignes, avant d’être attachants. Elle passa son chemin à béguins.

Dans un rêve récurrent, Ernest dévalait un couloir d’hôpital. D’un côté un mur, de l’autre une série de portes de chambre ouvertes. Un bloc de lumière tombait de chacune, ponctuant la relative obscurité du couloir. La lumière cachait au lieu de révéler la saleté dans les chambres, l’obscurité lui touchait la peau comme une créature gélatineuse. L’ambiance se résumait en un mot : obscène.

Marié, Ernest avait un besoin grandissant d’éviter de tels phénomènes, même de s’en approcher. Ils n’allaient pas au cinéma. Il fut d’humeur exécrable le premier Noël des jumelles, tant qu’on n’avait pas éteint les guirlandes qui scintillaient sur le sapin.

Sa femme observa ses angoisses, mais il n’y permit aucune référence. Une nuit, elle alluma sa lampe pour voir le réveil et l’éteignit aussitôt. Ernest hurla comme une bête blessée à la chasse, puis se mit en colère à propos d’autre chose pour couvrir son désarroi ainsi trahi.

Ils roulaient vers la mer. Les enfants piaffaient sur le siège arrière, et se mirent à crier lorsqu’une dépanneuse arriva en face, dans une débauche de clignotement de feux. Plus tard, Ernest se souvint d’avoir été envahi par une soudaine et vaste tristesse qui l’assourdit, ses membres, ses mains. La voiture quitta la route, rebondit sur la barrière, traversa la chaussée, se cogna contre un réverbère et se retourna sur le terre-plein central.

L’équipe de secours les sortit. Une des filles sanglotait dans les bras de sa mère, qui avait du sang dans les cheveux. L’autre ne pouvait pas pleurer. Ernest la tenait. Les ambulances s’approchèrent. Pour la première fois de sa vie, il vit, avec une clarté limpide, l’horreur qu’inspirait le gyrophare. Il se mit à pleurer, si longtemps qu’il sanglotait encore à l’hôpital, où il attendait des nouvelles des deux blessées.

« Vous pouvez voir votre fille, Monsieur. » Ernest suivit le médecin, devant les portes des chambres, les fermées et les ouvertes. La luminosité était uniforme.

Après, il put parler à sa femme de ce qui s’était passé, seulement du « quoi », car le « pourquoi » était trop enfoui. Ce fut néanmoins une première poignée de terre arrachée au barrage qui bloquait le cours d’eau et faisait un désert de toutes les terres en aval. La conscience cligna dans la nuit.

La suite pour Ernest ? Allait-il admettre un possible doute dans ses certitudes premières ?

Selon un témoin, une lente acceptation de sa fragilité, la vie avec ses enfants qu’il voyait à leur tour se dissimuler leurs peurs les plus tenaces, l’aidèrent, non pas à balayer les effets du mal, mais à vivre avec, à éviter au lieu de fuir les affrontements. Le rêve se mua en exploration du couloir : au mieux, il y voyait un défi salutaire, regardait dans les chambres, toujours vides, toujours propres.

Mais d’après une autre source, l’expérience exacerba sa peur. Il en fut progressivement écrasé, et devint inapte à la vie quotidienne. Il aurait fini seul dans une chambre d’institution, où la lumière restait éclairée nuit et jour. Aplati par sa tristesse, il ne réagissait à rien, sauf lorsqu’un nouveau directeur, épris d’économies d’énergie, fit éteindre sa lumière. Après quatre heures de hurlements rauques, elle fut rallumée.

La vitesse de la lumière est le temps qu’il faut pour que ce qui se voit fasse sens. Mais une vie humaine est souvent trop courte pour accommoder le processus.

 

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