brocanteLa reine Beatrix des Pays Bas est née un 31 janvier. La nation fête pourtant son anniversaire le 30 avril, « Koninginnedag », la journée de la Reine. De tels écarts entre les faits et les gestes marquent une monarchie. Rois et reines, princes et princesses, des personnes comme tout le monde, en deviennent des personnages de conte de fées.

« Conte de fées » : l’expression sert dans la presse de papotages pour décrire n’importe quel événement dans le beau monde de la noblesse et la royauté, même chez les souverains longtemps déchus et les nobliaux employés dans les assurances.

Le propre d’un « vrai » conte de fées, pourtant, loin des mondanités à titres ou à particules, est de fasciner les enfants qui l’écoutent, jusqu’à susciter « la suspension volontaire de l’incrédulité » selon le terme du critique anglais Ruskin.

Les sujets de Sa Majesté néerlandaise rentrent dans ce jeu, attribuent quelque chose de magique à sa famille, acceptent d’y voir, non pas des individus, mais des porte-valeurs. La Reine distille l’essence de la nation, au point que, non seulement son anniversaire devient la Fête Nationale, mais n’a même pas besoin de correspondre à la réalité de l’état civil. Les républicains y verront une confiscation mystifiante et déresponsabilisante de la « res publica », la chose publique, qui appartient au peuple au-delà des régimes et gouvernements.

Les contes de fée transmettent des vérités sur les périls et aventures de la vie, à des enfants trop jeunes pour la pensée abstraite et intellectuelle. Pour les monarchistes, la royauté, de la même façon, porte une vérité si profonde sur le contrat national qu’il vaut mieux la faire passer par un mythe. Dans cette perspective, la reine Beatrix donne un sens au fait d’être néerlandais.

Venons-en à la brocante. Les Néerlandais ne tiennent que modérément aux cérémonies grandioses : certes le 30 avril sera marqué par des visites royales et des discours, et les sujets s’adonneront à une débauche d’orange, la couleur dynastique, sous forme de guirlandes et banderoles, ballons, tee-shirts, même perruques. Mais la journée est avant tout l’occasion de la traditionnelle brocante sur tout le territoire. De la mer du Nord aux frontières allemandes et belges, tout le monde peut étaler sa camelote sur les trottoirs. Il y a de ces affaires ! Deux bougeoirs en laiton, une clochette cachée dans la base pour appeler notre nombreuse domesticité, en sont la preuve chez moi. A cinquante centimes la paire, qui dit mieux !

Il reste que Jan, Ineke, Geertje et Jeroen, en se débarrassant de leurs vieilleries dans un élan national, et pour des sous, jouent autant un rôle dans un conte que Cendrillon, le Petit Poucet, Barbe-bleue ou la Belle au bois dormant.

 

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