Archives pour mai 8th, 2011

Pour accompagner l’exposition sur les violences conjugales à la Bibliothèque

Permettez-moi de dire que rien ne le vaut : ni le sport ni le sexe ni l’alcool, ni même la Belle, qui était héroïne de mes jeunes histoires. Le poing se forme, se serre, puis descend sur la peau, écrase la chair, rentre dans le muscle et s’arrête sur du solide, les os qui maintiennent tout. C’est alors seulement que le corps, déséquilibré, tombe. Cela est particulièrement sensible sur les bras, la poitrine ou, dans une moindre mesure, le dos. Une gifle convient mieux pour le visage, mais elle doit être majestueuse pour obtenir une chute.

Vous comprendrez que c’est ce dernier effet qui compte pour moi. La première fois que j’ai « cogné » ma femme (je mets des guillemets pour prendre mes distances par rapport à la vulgarité du mot), j’en étais le premier surpris, de me trouver en train de lever la main sur celle avec laquelle j’avais ce qu’on peut appeler « un contrat de tendresse ». Elle est tombée contre le mur et puis par terre.

Son premier geste a été, non pas de crier, ni de pleurer - ni de se relever furieuse et me cogner (là le mot convient pour son imprécision) avec ce qu’elle aurait trouvé sous la main - mais de tirer sur sa jupe, qui était remontée jusqu’aux cuisses. J’ai compris que, pour sortir gagnante de nos conflits, elle allait me refuser son intimité. Ce qui fait qu’après de tels affrontements faire l’amour, au lieu du partage recommandé, tenait du viol.

La première fois, je lui ai donné aussi un coup de pied. Par la suite, c’est un geste que je n’utilisais que dans de rares cas que j’exposerai plus loin. Normalement, il me suffit de la voir étalée disgracieusement. Si elle reste à genoux, j’achève le mouvement avec mon pied, mais on n’appellerait pas cela un coup.

D’où vient cette violence dans un couple ma foi assez uni, me demandera-t-on. Assez curieusement, je dirai que je ne sais pas vraiment. Quelque attitude de ma femme, ou même pas. Un policier qui s’en était mêlé s’est enquis de mes relations avec mes parents. Bon, j’ai reçu beaucoup de coups, mais j’abhorre ces balivernes « psychanalytocs » puis-je dire. Parfois je pense à ma mère en frappant ma femme, c’est tout, et c’est normal. Toutes les deux sont femmes.

Je parlais de coups de pied. Je ne les pratique que lorsque je perds mes moyens. Alors j’enrage, je m’acharne, les coups partent dans tous les sens, il peut y avoir du sang et même, c’est rare mais extrêmement regrettable, une fracture. Il s’agit dans ces cas de ce que j’appellerais une colère « rouge ». Comme si j’avais un voile de sang devant les yeux, je ne me maîtrise plus. J’ai le cœur qui bat, la tête qui tourne, la mâchoire qui se serre à faire mal.

C’est tout autre lors d’une colère « blanche ». Je fais et me regarde faire, je garde la distance pour apprécier la force de mes coups. J’ai une stratégie d’attaque que rien, et certainement pas elle, ne m’empêchera de mettre en œuvre. Précision et exactitude dirigent mes poings, le minimum d’effort pour un maximum d’effet.

La « rouge » me laisse pantois et confus ; la « blanche » m’apporte cette sensation au-dessus de toutes les autres dont j’ai déjà parlé. Je suis envahi par un sentiment planant de culpabilité. Elle remplit mon corps, mes membres. Souvent, je m’allonge à côté de ma femme, pleure et la supplie de me pardonner. Parfois, et c’est encore « mieux » peut-on dire, je reste debout, pour sentir tout le poids de la honte sans fléchir. La honte pour ce que je viens de faire à ma femme génère des sanglots au fond de ma poitrine. Je sais que je suis en vie, pleinement, le temps que cela se décante, se calme, s’évanouisse, me laissant comme une épave sur la plage lors de la marée descendante. Une épave, mais une épave comblée. Pour un temps.

 

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Poc

Vous savez, j’ai 75 ans, je joue depuis 3 ans, je ne suis pas un bon joueur, mais le golf, ça m’a sauvé la vie

Poc, poc.

Non, pas comme ça, tournez sur les hanches. Qu’est ce que vous prenez comme fer? Non, celui là c’est pour quand on est dans le sable. Prenez le 5 ou le 7.

Poc.

J’avais jamais fait de golf. Moi, c’était plutôt le foot, le dimanche. Ma femme n’a jamais rien dit. Elle m’attendait. Et puis elle est tombée malade. Pendant 8 ans, je l’ai poussée comme ça, dans un fauteuil roulant. Puis elle est morte. J’ai fait deux déprimes, regardez, j’ai même fait une tentative de suicide en me tailladant les veines. Je pouvais pas supporter. C’est dur d’être seul.

Poc.

J’allais dans des bals, pour trouver une autre femme. Mais sans enthousiasme. Une fois j’en ai trouvé une, elle me collait.

Poc.

Non, tendez le bras, plus que ça… Voi…là! Bien, bravo! Bon coup! Je suis un bon prof… Je vous demanderai 20 Euros, c’est pas cher…

Poc.

Et puis j’ai pris peur. J’ai préféré rester seul. Quand il fait beau le golf, quand il pleut je mets les cassettes. Il faudra que je garde une chambre rien que pour les cassettes…

Poc.

Un jour, j’étais en pleine déprime, j’ai vu une publicité sur le golf, une promotion. Je me suis dit pourquoi pas? Tu vas te faire plaisir pendant quatre heures, si ça te plaît pas, tu n’auras rien perdu. Et puis j’ai pris 33 heures de cours, ça m’a plût tout de suite. On voit des gens, on parle, on marche dans la nature… Tant qu’on a les yeux sur cette balle, on ne pense  à rien d’autres. Les soucis, psitt…  Derrière!

Poc.

Commencez à accélérer quand vous êtes à hauteur de la taille, pas avant, le golf va prendre de la vitesse…

Poc.

Vous savez, moi, je n’ai pas d’argent, je suis un pauv’ retraité de l’Edf…

Poc

Peut être que je devrais retourner à ce bal…

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