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jour_de_brume1

Je suis TATIANA
La sauvageonne, l’indienne
je suis TATIANA
la silencieuse, la secrète.
Je suis la reine de cette vallée et des bois qui l’entourent.
Aucun être humain ne connait mon secret.
J’ai juré de ne rien dévoiler.
Le matin je me presse, il y a tant à faire !
Je sors au moment où la brume de l’aurore est encore étendue en voile doux au dessus du sol.
Je guette les messagers.
Sitôt qu’ils me repèrent, ils se dépêchent de me rendre compte
Il y a tant à faire !
Les journées sont trop courtes !
Il faut libérer la nouvelle poule séquestrée, affamée, dans le piège à renard,
Poser des Belladones devant les passages des chasseurs pour dévier le gibier de leur route,
Soigner la patte d’un blaireau avec une application de sève de bouleau.
Vite, le temps presse, un corbeau, messager noir, croasse une nouvelle alerte
en tournoyant au dessus de ma tête.
J’arpente les sous-bois, la peau de renard sur l’épaule
qui masque mon odeur d’homme
Le parfum de la honte.
ici, je recueille 8 marcassins collés au cadavre de leur mère
qui a dû courir longtemps avant de mourir là,
vidée de son sang par le trou de chevrotine.
Je les mène au terrier d’une renarde
qui vient de perdre ses deux petits.
Elle les nourrira, les sauvera.
Je me presse, il y a tant à faire !
Il y a le hérisson que petit Louis a enfermé dans un carton
Et tant de travail encore !
A chaque fois, aux oreilles des victimes,
les mots mille fois répétés :
« Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font »

Je suis TATIANA
La sauvageonne, l’indienne
Je suis TATIANA
l’erreur humaine.

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Un homme vêtu d’un pantalon sombre et d’un chandail vert émeraude, sans veste, dépourvu d’un quelconque papier d’identité, muni  juste d’un sac de toile en bandoulière s’avança un peu plus profond dans le bois.

Gérard mit la main dans son sac de toile et serra la corde. La réalité palpable du chanvre ranimait ses arguments. En arrivant devant le parterre de jacinthes sauvages, il ne put s’empêcher de sourire : oui cet endroit était vraiment idéal. L’attention des éventuels promeneurs ne manquerait pas d’être attirée par les fleurs plutôt que le gros chêne sombre en arrière plan. Peu de chance qu’ils ne le retrouvent avant longtemps. Juste ce qu’il voulait…Disparaître discrètement de cette vie en laquelle il ne croyait plus.
Des semaines qu’il cherchait son arbre. Contrairement à ce que l’on croit, la pendaison n’est pas simple, surtout pour un quinquagénaire de quatre vingt kilos !
Il passa au dessus des jacinthes en veillant à laisser le moins de trace possible et atteignit le chêne. Il s’assit quelques minutes sur le tapis de mousse qui se répandait au sol. Dans un frémissement le buisson de buis le plus proche sembla s’animer. Une silhouette qui paraissait humaine mais au visage indistinct, flotta devant lui. Gérard eut du mal à maintenir ses yeux dans cette direction tant la lumière qui émanait de la forme était forte.
Il entendit des mots se former dans son esprit et ressentit instantanément une sensation de paix extrême comme s’ils dégageaient des ondes fulgurantes de bien être. En fait ce n’étaient pas des mots qu’il recevait mais plutôt un flot d’images et d’émotions que son cerveau conditionné cherchait à nommer. Contrairement à ce qu’aurait fait n’importe quel être humain l’apparition ne posait pas la question fatidique du « pourquoi » à Gérard. De toute façon puisqu’elle avait accès à son esprit,  elle devait bien « savoir » les nombreuses raisons de son choix.
L’être lui offrait des images de paix et de beauté du monde : le bleu métallique inimitable du plumage de certains oiseaux, la beauté d’un quator à corde,  l’émotion à la vision des premiers pétales de l’année à la sortie des perce neige, le parfum de Marguerite, la finesse du flot des bulles d’un Dom Pérignon, le velouté de la peau du nouveau né, le courage et l’abnégation dont l’homme sait faire preuve en Amour, la générosité en Amitié….
Que cherches-tu à me dire ? Questionna muettement Gérard…
L’être se rapprochait de lui, éclatant de lumière
Les images continuaient de se déverser en vagues ininterrompues : La main d’un petit enfant qui se tend, la chaleur d’un rayon de soleil sur la peau, le goût du sel d’un baiser amoureux en méditerranée, l’arôme d’un civet de lièvre, la force du brâme des cerfs dans le brouillard du petit matin, la puissance du désir au frôlement de la peau nue d’un premier amour, la beauté d’une tulipe qui s’exhibe aux premières lueurs du printemps…
Impossible de quitter ce monde qui recèlait de tant de trésors.
Gérard n’eut plus du tout envie de mourir…
Etait ce Marguerite ? Son épouse adorée morte bien des années auparavant, qui se manifestait ainsi à lui ?
Impossible de déterminer le sexe de cette silhouette. Sans doute un ange, pensa Gérard. je communique avec un ange! S’émerveilla-t-il.
Et c’est ainsi, dans cette extase et dans cette volonté énorme et soudaine de vivre, qu’il sentit la corde se serrer autour de son cou par ce qui n’était malheureusement qu’une des nombreuses apparitions du diable. La lutte fut terrible et la souffrance de Gérard délectable pour le démon.
 

Un homme vêtu d’un pantalon sombre et d’un chandail vert émeraude, sans veste, dépourvu d’un quelconque papier d’identité, muni juste d’un sac de toile en bandoulière, pendu à la branche d’un vieux chêne, fut retrouvé par des chasseurs. La vision du visage tétanisé par la terreur hantera longtemps leur mémoire.

 
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Un matin en se réveillant, on ne pleure plus.
Le frémissement du printemps subrepticement s’insinue
En un goutte à goutte salvateur dans nos veines affamées
De sentiments et d’ardeurs, depuis trop longtemps privées.
Notre cœur cadenassé, empesé semble à nouveau pouvoir aimer,
On affronte le dehors, le pas sûr, le nez aux parfums frémissant
Pour la première fois depuis la déchirure.
On arrive par hasard au parc de Saint Crépin
On remarque la grille entrouverte sur la sensuelle allée
Invitation à pénétrer dans une attirante intimité
Et plus loin la promesse d’une fontaine salvatrice,
L’espoir renaît
Et on entre.
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J’ouvre les volets de cette maison bleue qui n’est pas la mienne. Oui, elle est bleue, je ne sais pas pourquoi. Ce n’est pourtant pas le style des maisons picardes, plutôt grises du sol à la cheminée. Je ne me souviens plus de mon arrivée. J’ai laissé le numéro de ma carte, bleue, elle aussi. Celle qu’il a fini par me concéder un jour où il avait vraisemblablement dû boire plus que de coutume.
Je ne possède pas grand-chose à moi. Mon père disait toujours : « je n’ai que ma bite et mon couteau ». Moi je ne suis pourvue ni de l’un ni de l’autre et je survis tant bien que mal, plutôt mal d’ailleurs mais je ne pense pas que cet état ait un rapport avec les deux ustensiles dont parlait mon géniteur. Ma guérison passe par la destruction des images mentales qu’il m’a injectées dans le cerveau, la nécessité de trouver les signes qu’il a pris la précaution de déposer un peu partout pour me piéger .
Le voisin d’en face regarde encore dans la direction des fenêtres de mon salon. Il a l’air seul lui aussi. Il fait un froid de canard. D’ailleurs il n’y a que les canards dehors, de si bon matin. Je ne les vois pas mais je les entends de ma fenêtre. Tout d’un coup, l’un d’entre eux pousse un tonitruant « Coin, coin, coin » qui finit écrasé par la densité du brouillard au dessus de l’Aisne…….
Ici tout est aqueux. Mes pensées elles-mêmes  se liquéfient sur place. Ce phénomène me rassure. S’il ne reste plus rien de solide par ici, les signes aussi s’effaceront.
La sonnerie de mon téléphone portable m’informe qu’un message m’attend sur ma messagerie. Je pressens qu’il émane de mon bourreau :
« C’est moi ma petite bergère, ton Dieu Pan. Mais où es-tu ? Pourquoi es-tu partie? Tu ne peux m’échapper.  Ton cul est ma quête, mon pèlerinage et j’irai le retrouver à genoux s’il le faut. Je suivrai les signes…»
Frissons dans le dos. J’aurais dû me débarrasser de mon téléphone plus tôt. Je le jette par terre, et ses morceaux éparpillés sur le sol m’apportent un léger apaisement.
 Il me fait toujours peur. Lui et ses chairs molles, avides de mon coquillage, comme il l’a toujours appelé. J’ai eu beau essayer de le fermer, il a toujours réussi à en forcer les charnières. Ici il ne me trouvera pas. J’essaye de m’en convaincre. Peut être que toute cette flotte va réussir à me nettoyer des souillures qu’il a déposées sur mon corps depuis…Oh depuis l’aube de ma vie, semble t-il !
Le voisin a l’air doux. Il est mince. Sûrement que je pourrai continuer de respirer s’il me grimpait dessus, lui, pour nos tremblements corporels !
Cette maison, même si j’avais été milliardaire, (ce qui n’est vraiment pas le cas puisque tout l’argent c’est lui qui l’a), je ne l’aurais pas achetée. D’abord parce qu’elle tombe en ruine. L’eau l’attaque de toute part. Par-dessus, par-dessous. Puis elle est au centre ville de Soissons, une ville triste comme toutes les petites villes du nord.
Je m’efforce de sortir tous les matins vers neuf heures, juste après avoir pris mes cachets et je vais marcher le long de la rivière. L’humidité traverse toutes les couches de tissu et de peau jusqu’à pénétrer entre les os, juste au niveau des articulations comme pour les rouiller à jamais. Je sens un danger tangible proche de moi. Les signes sont quelque part, par ici, Il faut que j’arrive à les localiser pour les détruire. Me libérer.
On frappe à ma porte.
J’ouvre.
C’est mon voisin, tout de bleu vêtu. Du coup j’hésite à le faire rentrer, fascinée par le spectacle de ce costume bleu fondu sur le mur bleu de la maison.
« Bonjour, je ne vous ai pas vue sortir ce matin comme d’habitude, alors c’est bête mais j’étais inquiet. Vous n’êtes pas malade au moins ? Si c’était le cas, n’hésitez pas à me demander quoi que ce soit, je serai ravi de vous rendre service.»
« Malade ? Non…Mais quelle heure est-il ? »
« Dix heures. »
« Ah déjà ? Le temps n’est pas passé à la même vitesse que les autres jours ce matin….. »
« Vous n’avez besoin de rien ? »
« Si, besoin de dépister les signes et d’un bon avocat. »
Devant l’air interloqué de mon visiteur je me décide à le faire rentrer. Il parle, égrénant des perles de mots en un collier sans fin. Est-ce possible que cela existe un homme aussi bavard?
Je ne comprends pas le sens de ses mots. Enfin je n’y prête pas attention. J’ai si peu l’habitude que l’on s’adresse à moi. J’écoute juste la musique de sa voix, grave et douce dénuée, de l’accent picard nasillard. Au fur et à mesure que ses notes m’enveloppent, elles sèchent l’humidité dont mes os sont perclus. Je me concentre maintenant. Il me raconte qu’il est écrivain, qu’il aime venir là pour fuir la capitale afin de trouver l’inspiration. Puis il me regarde intensément :
« Un avocat ? Vous avez besoin d’un avocat ? »
« Oh mais je ne vais pas vous embêter avec mes histoires. Qu’écrivez-vous ? Des romans d’amour ? »
Je n’ai pas envie qu’il parte ; J’ai juste besoin qu’il continue de me parler jusqu’à ce que l’été revienne, emportant le danger.
Mais subrepticement, il jette un œil sur sa montre, comme ça, sans doute parce que c’est plus fort que lui. Cela me contrarie. Nous étions bien tous les deux : lui à me réchauffer de sa voix et moi à l’écouter, le corps suspendu au timbre de ses mots qui chantent dans ma tête. Voilà qu’il trahit ce moment béni détournant son regard de moi….Pour cet objet maudit, qui nous rappelle, au poignet, les secondes nous séparant de la mort. J’ai soudain envie de le tuer. Je songe à prendre ce grand couteau qui est rangé sous les plaques électriques, un couteau à découper la viande qui pénétrerait sans mal.
« Que faites vous ce soir ? Je peux vous préparer à dîner, enchaîne t il. Cela me ferait plaisir de partager un repas avec vous.»
A défaut de rompre ses chairs, je romprai donc sa solitude. Quelque chose me dit que ce sont mes chairs à moi qui vont encore être pétries, écrasées incendiées.
D’accord. Je viendrai. A quelle heure ?
C’est alors qu’il me dit cette réponse étrange. Pour une fois les mots se sont rangés correctement dans mon cerveau et j’ai su à l’instant précis où ils prenaient tout leur sens dans mon hémisphère gauche que lui, cet homme là, venait de me livrer les clés de mon salut :
« Lorsque l’ombre du cadran solaire de l’hôtel de Barral viendra mourir sur  la façade, alors vous prendrez le chemin de ma maison. Excusez-moi je n’ai pas pu m’empêcher, c’est une des phrases de la nouvelle que je cherche à écrire. Venez vers dix-neuf heures si cela vous convient.»
 Comment avais-je pu être aveugle à ce point ?
La nuit même, armée d’un marteau  je vais à l’hôtel de Barral. Je n’en reviens pas ! Tous les signes sont là : le coquillage, si lourd à porter pour l’ange,celui que j’aurais dû rester,  le signe du pélerinage qui le mènerait jusqu’à moi, le Dieu Pan qu’il incarne sous le cadran solaire. Si proches de moi depuis le début ! Je commence par enjamber la fontaine afin de délivrer l’ange du poids de ce coquillage maudit. Avec application je détruis l’indécente huître de pierre ouverte à tous vents en préservant la tendre chevelure minérale. Puis débordant d’une sorte de joie sauvage et féroce, je m’acharne sur le Dieu Pan qui joue de sa flûte maudite sur un piédestal au milieu de la façade sud. Je le frappe de toutes mes forces et à chaque morceau qui tombe, c’est  lui qui meurt et moi qui revis.
« Vous êtes en retard, me dit-il, je m’inquiétais »
« Ne vous inquiétez plus. Il fallait que je me délivre, c’est la raison de mon retard…. »

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Popom, popom, je sens mon cœur battre, mon pauvre cœur d’homme. Popom, popom, soixante huit ans qu’il bat pour vous, mon Seigneur Je n’en peux plus !
Comment pourrais-je alors que j’ai dépassé l’âge de la retraite, assumer la trentaine de clochers de l’est du soissonnais et récupérer encore les quarante clochers de la paroisse voisine de Vailly sur Aisne ?
Doubler mon champ d’action ? A mon âge ?
Il n’y a donc plus d’homme qui vous aime assez pour accepter une vie de prêtre, mon Dieu ?
Où se cache la foi des pêcheurs ?
Comment leur faire découvrir le bonheur de vous servir au sein de votre église, leur faire sentir cette extraordinaire paix de l’âme enveloppée en permanence de votre lumière ?

Popom, popom, Mon dieu, mon cœur est empli de votre amour et pourtant je sens qu’il fatigue. Comment pourrais-je être l’homme aux 71 clochers ? A-t-on vu pareil sacerdoce ?
20 000 âmes en charge ! Lorsque j’ai été ordonné, il y avait un prêtre pour 2500 habitants. Ce qui me semblait déjà bien difficile !

Je te regarde toi ma cathédrale. Toi que je sers depuis trente ans. Tu as su rester debout. Tu as reçu vingt sept obus et tu es restée debout.
J’aime ton portail réduit à une simplicité virginale même si c’est un massacre humain qui l’a provoqué.
Tu as vu pourtant tes fidèles, petit à petit, déserter tes bancs. La lumière des cierges qui réchauffait ta nef s’est assombrie, la chaleur qui régnait en toute saison en ton sein, n’existe plus en hiver, faute de moyen. Les porte-monnaie sont avares du peu de sous qu’ils contiennent. Les hommes ne pensent plus à leurs âmes. J’ai bien peur que la préoccupation de leur corps leur prenne tout leur temps !

Face au portail de la cathédrale le curé cherche à reprendre son souffle.
Popom, po…… pom murmure son cœur. Il lève les yeux sur l’unique tour dressée. Puis il s’écroule, les yeux tournés vers le ciel, terrassé par une crise cardiaque,
seul sur le parvis de la cathédrale de Soissons.

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Une bonne tasse de thé fumante posée sur la table basse en teck devant moi, je m’apretais à découvrir les cartes postales du lot acheté le matin même à mon petit bouquiniste des quais de Seine spécialisé dans le nord de la France.Je me délectais à l’avance de l’émotion que ces prises de vue, anodines pour la plupart de mes congénères, allait réssusciter en moi, impatient de retrouver la chaleur de mes souvenirs adolescents moi qui ne dispose que de si peu de temps.
Mince!
De surprise j’en ai lâché la tasse. Je regarde, pétrifié le thé se répandre sur mon tapis persan. Non je ne rêve pas. C’est bien une carte postale de la rue des graviers!
Si je m’attendais!
Cette carte réanime le seul souvenir que j’aurais voulu garder enfoui, que la vie est mal faite!
Un, deux, trois petits cailloux gris
lourds, si lourds dans ma main soudain affaiblie.
Tout me revient malgré moi. Les pièces du décor se remettent en place. En arrière plan l’Aisne qui coule imperturbable devant la haie d’honneur des peupliers dressés au garde à vous.
Les petites maisons de pierres calcaires, grises et mouillées de chaque côté de la rue. Leur toit gris d’ardoise, luisants de pluie. Puis sur le devant de la scène, la bicyclette. Et crispées sur les poignées de cette bicyclette, ses mains. Et au bout, tout au bout de ses mains, son visage pâle, ruisselant et ses lèvres qui remuent imperceptiblement. Puis tout d’un coup, le son de ce qui devait pourtant être un chuchotement envahit la scène:
“C’est fini, je ne t’aime plus, je te quitte.”
Un, deux, trois petits cailloux gris ramassés pour être jetés
trois petits cailloux gris pour ne pas crier
et mon coeur en morceaux éparpillés,
rue des graviers.

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Fanny enfile une jupe plissée verte, se repoudre le nez. Son cœur palpite trop fort dans sa poitrine. Penser à prendre de longues inspirations, lentement….Voilà, la bête sauvage est de nouveau domptée. Rester calme. Brider ce bonheur qui exulte par tous les pores de sa peau.

« Oui, je peux me libérer le week-end prochain. » I

ll lui avait accordé le temps dont elle avait besoin. Dans deux heures, elle sera dans ses bras et ils tourneront l’un contre l’autre, lèvres scellées, se moquant des voyageurs qui les bousculeront peut-être. Ne pas rater le train ! Où est le billet ? Sueurs.

Ouf là sur la table de nuit ! Posé là pour permettre aux yeux de Fanny de le regarder jusqu’à ce que le sommeil l’emporte. Son destin est dans ce billet. Et le destin va enfin lui sourire, Fanny n’en doute pas une seconde. D’ailleurs il fait beau, d’ailleurs dans cinq jours c’est l’été. Leur saison. Celle qui a couvé leur amour naissant. Quatre ans déjà ! Qu’ils étaient forts, l’un contre l’autre, brandissant les pavés sur les forces de l’ordre ! Mai 68. Leur amour a démarré dans les cris et la fureur. Que de chemin parcouru depuis ! Quarante-huit mois d’attente et d’espérance.

Fanny porte un argument de poids en elle. L’Argument qui enfin le convaincra de quitter « l’autre », celle qui empêche son amour de s’épanouir. Celle qui n’a jamais pu lui donner ce dont il rêve et que elle, Fanny va lui offrir, dans quelques heures…. Quatre mois qu’elle attend. Mars, avril, mai, juin…..Le bébé va bien, elle va bien, il l’aime, elle l’aime, trop de bonheur ! S’assoir, respirer…..

Fini les chambres d’hôtels miteux, les rendez-vous annulés à la dernière minute, les retrouvailles sur les aires d’autoroutes, les ébats dans la voiture. Basta ! Clé de contact. La 106 démarre. Boulevard Gambetta, mince une nausée, Avenue de Reims c’est passé, parking de la gare, compostage du billet, l’autorail s’ébranle, Fanny sourit,

Enfin sure de son avenir….

Le train vient de pénètrer dans le tunnel de Vierzy…Nous sommes le 16 juin 1972.

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