Je la vois. Assise.Jambes épilées, nettes. Brushing impeccable. Habillée simplement, classe lui répéte souvent sa meilleure amie.
Maquillage discret, et la bouche ourlée d’un rouge corail. Est- elle belle? simplement vivante…
Elle attend son tour, a pris son ticket pour la file d’attente et observe discrétement les gens présents dans ces locaux ASSEDIC.
Un homme sans âge, le cheveu gras, une grande frange ramenée sur son crâne chauve. Elle l’a déjà vu… ah! oui, il faisait ses courses, la calculette à la main, digne avec son panier maigrement rempli.
Et cette grosse dame dans un coin, et cette grande fille élancée au regard si dur. Des gens anonymes, inconnus. Elle regarde, croque des portraits comme un peintre.
Cette salle d’attente lui paraît tout à coup insupportable. C’est à s’y méprendre, comme l’attente à l’hôpital. Atmosphére glacée, tendue et vos entrailles qui gargouillent. Pauvres sourires en coin. On s’épie, on se jauge, on se scrute.
Réplique du film “Pédale Douce” : ” Vous en êtes?”
Tous là, dans ce même attentisme, cette attente froide et glacée comme un bloc opératoire.
“Vous en êtes ?” oui, je suis au chômage, ou j’ai eu un cancer. N’est ce pas la même chose?
Tout à coup pourri, plus bon à rien,rongé et la vie entre parenthéses. Traitements, chimio, rayons, chrirurgie et autres réjouissances.
C.V, lettres de motivation, ateliers de n’importe quoi, qu’importe le titre pompeux, puisque celà ne sert à rien.
Rien qu’à attendre, être en sursis.
Et cette image dans la glace est ce bien moi?
Moi, défait, amaigri,cicatrisé, blessé, mort dix fois et réssuscité tout autant.
Moi, le malade victime aussi d’un doux euphémisme qui risque bientôt de faire de moi ” pas un technicien de surface”, mais un mort pour longue maladie. Ni fleurs. Ni couronnes. Et l’ASSEDIC comme enterrement de 1ére classe.
Et ces gens qui vous regarde d’un air condescendant. Ces voisins dont la porte se ferme toujours trop tôt.
Et ce courage qu’il faut aller puiser au tréfonds de soi.
Croire que demain sera meilleur, et les lâches et les couards qui vous abandonnent…
Et cette compassion affichée de toute part…
Et ces regards dans lesquels vous ne voudriez plus vous voir…
Es ce la vie qui vous abandonne?
On est plus qu’un reflet, le miroir de la peur des autres.
Les gens vous regarde. La jeune femme aux jambes épilées, s’en fout. Elle attend. Un conseiller qui ne verra rien. Un conseiller qui n’a pas été formé à ” l’humain”.
Est elle belle et vivante?
Elle affiche ses jambes parfaites. Image lisse. Et le chagrin dedans.
Chômage et maladie, dit elle en souriant: “la double peine”.
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