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La poussière est-elle soluble ?…



Une maison véritable accueillante comme une niche, une carapace, une cabane avec table ouverte, un atelier où pouvoir s’étaler, un repli capitonné où faire chanter les instruments, des coins et recoins où se déployer, se réfugier, rire en cascade avec les autres, se lover, pleurer en cachette, s’aimer, ne plus se supporter, s’isoler délicieusement pour lire, coller des papiers ou gratter sa plume avant de retrouver la bande. Une maison, un lieu de partage où concocter à plusieurs un festin ou simplement griller des tartines, un décor insolite et joyeux fait d’objets chinés, récupérés, transformés, où chacun trouverait ses aises sans empiéter sur la fameuse liberté de l’autre. Un renouveau d’espaces dont les murs soudain dépliés comme des fleurs japonaises permettrait tout cela, et tout resterait à recréer, imaginer, aménager au prix d’une belle somme d’inventivité…


Des pièces en enfilade aux tentures poudreuses, encombrées de meubles obsolètes, des salles inexplorées se découvrant, s’ouvrant l’une sur l’autre comme des poupées russes, de telles visions d’horizons prometteurs hantent depuis des années les nuits de Claire qui vit à l’étroit dans un studio. Elle les reçoit émerveillée comme autant de cadeaux dans une perspective de déploiement qui la transporte tout en la rassurant. Les matins qui suivent sont légers, le souvenir du rêve exempt des mites et des poussières suffocantes n’engendrant que pensées optimistes et décisions de mieux-être. Claire se dit alors que tout est possible.


La poussière, la peur moisie, l’odeur âcre des caves, elle les a remisées avec l’enfance, avec ces années de guerre dont elle garde bien enfouies des impressions intactes, comme ce retour des abris où la famille découvre deux façades d’immeubles voisins défoncées par la masse tranchante des rails de chemin de fer, redoutables barres d’acier redressées à la verticale, ayant achevé leur folle trajectoire encastrées au coeur des appartements. Plus avant, au-delà d’une brèche qui troue la rue, un amas de décombres fume encore à la place du pavillon aux glycines, leur vis-à-vis du versant Est. Tous ses occupants sont saufs, le père de famille ayant pris l’initiative de faire sortir les siens dans le jardinet, leur enjoignant de s’étendre à plat ventre et les bras en croix. Ainsi, dans cette position couchée sur le sol que la petite assimile dans ses jeux à  “je suis mort“, il est possible de sauver sa peau ! Ce monde est décidément une mine d’étonnantes découvertes.


De retour à l’appartement, Claire s’élance en sautillant au long du couloir qui dessert les chambres, traverse le vestibule, foule de ses pieds nus la douce mousse  laineuse du salon où sont restés le landau et la poupée. Puis elle caresse le velours frappé du cosy-corner qui la déçoit chaque fois, toujours aussi rugueux au toucher que prometteur au regard. Dans le noir, elle s’efforce de revoir en pensée la nuance bleu pâle irisé du tissu rasé au poil déboussolé, contrarié, peigné en tous sens par la seule volonté esthétique d’un décorateur. Puis elle regagne sa chambre, nullement gênée que la lumière ne soit pas encore revenue : elle connaît sa maison par coeur. On la met au lit ce soir-là sans lui raconter d’histoire car il est trop tard. Le mi-Russe, personnage magique du poêle à fantasmes, a dû s’endormir d’épuisement. Serrant sa poupée, elle entreprend de lui expliquer qu’il lui faut parfois quitter l’endroit très vite sans prendre le temps de rassembler ses joujoux. En cas d’alerte, seuls les grands peuvent juger de ce qui est important et décident en conséquence. Elle ne trouve pas le sommeil et doit l’apprivoiser en s’inventant un rêve léger comme bulles de savon.


A ouvrir les vannes de la mémoire, à donner du présent au passé, le danger est grand de lâcher tout en bloc, comme les avions larguaient leurs bombes. D’un seul coup, par grappes entières vidées en plein sur leur cible. Menace de tous les instants. Le silence ne s’installe pas. Le vrombissement peut resurgir à tout moment et les pruneaux tomber dans les plus hospitalières demeures, sur le toit, sur les têtes, même dans un appartement suspendu entre terre et ciel, dérisoire repaire surmonté de dômes friables couverts d’une carapace d’ardoises cassantes comme du verre, abri précaire, de loin plus précaire que le bunker de la tortue du petit Paul. C’est ainsi que l’on vivait en 1942,  à la lisière de Paris, au creux d’une boucle de la Seine.


Manoleta, novembre 2008

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Anaïs que l’on appelle la jersiaise sourit de toutes ses dents, tête renversée, offerte aux caméras dont les flashes crépitent de toutes parts. Un peu niaise en vérité, trop contente d’elle, trop sûre de ses atouts, elle n’affiche aucun sens critique. Elle ne s’étonne même pas d’avoir été ainsi propulsée sur le devant de la scène alors que le prix n’aurait jamais dû lui revenir, aux dires des voisines. Il faut les voir les péronnelles, elles se poussent du coude, notant les hanches proéminentes qui donnent à la démarche une réelle lourdeur lestée par une gorge excessive. Le tout prenant appui, disent-elles, sur une petite taille, légèrement au-dessous de la moyenne. Et son regard, il n’arrange rien son regard, il manque à ce point de flamme que nul n’aurait le désir de le soutenir. Quant à sa conversation, certaines suggèrent qu’il est permis, au vu de son expression, de l’imaginer plate et affligeante. Pourtant Anaïs vient d’être distinguée contre toute attente parmi la trentaine de concurrentes sélectionnées. Elles n’en reviennent pas, les chipies ! Et voilà maintenant qu’elle évolue sur le podium en mesurant ses pas, guidée par Marie-Ange, son coach, une grande femme un peu sèche et visiblement très à son aise. Anaïs rentrera chez elle différente, et différents seront désormais les regards portés sur sa personne. En deviendra-t-elle plus séduisante ? non, persiflent les mauvaises langues, mais il est probable que cette aventure aura pour effet de lui faire ignorer plus encore  les disgrâces dont l’a dotée la nature. Étonnante Anaïs moquée par ses proches, piégée, couronnée de lauriers réputés mal acquis, amenée à parader sous les murmures désapprobateurs au seul bénéfice de Marie-Ange. Celle-là exulte intérieurement sous une allure détachée et hautaine. Incapable de  reconnaissance, elle se moque bien d’Anaïs dont les succès la gratifient. C’est envers elle-même qu’elle dirige des compliments pour avoir misé sur un bon élément, et tant pis si celui-ci n’a pas recueilli l’intégralité des suffrages.

 

La journée s’avance, toutes deux exécutent jusqu’à s’étourdir des circonvolutions et des tours d’honneur, puis en un instant Marie-Ange se renfrogne et coupe court au manège, entraînant la jersiaise dans sa retraite. C’est la proximité d’un groupe de capoeira qui l’a fait se décider. La tête lui éclatait, elle ne supportait plus le vacarme que faisaient ces jeunes garçons en “tapant sur des casseroles”. Non, vraiment, elle préfère de beaucoup les majorettes de Charchigné et la fanfare des Coévrons que le comité des fêtes a évincé cette fois, pour des questions de mode à n’en pas douter.

 

Ces manifestations, Marie-Ange les pratique depuis des années, elle en connaît le déroulement sur le bout des doigts, et Anaïs n’est pas la première qu’elle mène sur les chemins de la gloire. Et pourquoi ce surnom de jersiaise ? c’est elle qui le lui a  donné en raison d’ancêtres lointains du rameau celtique ayant fait souche dans l’île de Jersey. C’est d’un père de race jersiaise intervenu sous forme de paillettes qu’Anaïs tient sa magnifique robe couleur café au lait et cette tête massive à la carnation de café pur mettant en valeur le tour du mufle blanc. Ses cornes, en forme de croissant serré, sont comme il se doit bien dirigées vers l’avant et le bas. Certes, elle a l’oeil bovin, et comment le lui reprocher alors qu’elle correspond en tous points aux  standards  du herd-book de la Jersey Cattle Society. Marie-Ange répète avec orgueil que l’un des premiers troupeaux de la race, à la fin du dix-neuvième siècle,  fut celui de la reine, au château de Windsor. Et si la race jersiaise est méconnue dans nos contrées, Anaïs n’en est pas moins un beau spécimen, une laitière particulièrement productive, très docile, et qui ne demandait qu’à se montrer affectueuse avec des propriétaires aimants.  Marie-Ange, elle, ne s’intéresse qu’à la valorisation de son cheptel et c’est là que le bât blesse.

 

Encouragée par ses nominations, cocardes et rubans, Anaïs prendra vite du poil de la bête et de l’estime de soi. A tel point que les cornes en forme de croissant si bien dirigées vers l’avant ne pourront éviter Marie-Ange, une matinée de septembre pourtant paisiblement commencée. 

 

Manoleta, 26 mai 2008 

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Bluebells comédie

 

Violettes de cobalt  anémones de terre
jacinthes de parme haut perchées 
sur leurs tiges de verre
renouveau renouvelé Mois d’avril sans faille 
la boucle est bouclée

Violettes de cobalt  anémones de terre jacinthes  
racoleuses à l’oeillade en biseau
jacinthes qui se montent le cou très au-dessus 
des coucous
jouant des campanules aux rebords fardés d’un excès bleu
de pacotille
Jacinthes de parme trop haut perchées aguichant 
le client innocent promeneur d’un dimanche 
fleuri : je suis à prendre mon chou mieux balancée 
plus délurée que le coucou cueille-moi 
et n’oublie pas surtout
n’oublie pas mon petit cadeau…

Jacinthes forget-me-not haut perchées 
sur vos talons de verre Le tapin des sous-bois
ne nourrit plus sa fleur Les temps sont difficiles et les retraites 
minces  Désargenté le promeneur progresse 
regard levé vers les mouvantes cimes ignorant 
sous ses pieds la troupe des Bluebells aux formes 
rebondies

Corolles en folie clochettes effilochées aux vibrantes 
nuances Jacinthes au fard trop mauve à l’oeillade 
assassine Retombez sur vos tiges baissez 
vos prétentions 
Cueillies vous êtes cuites 
ne criez plus aux lauriers à couper Sautez de vos échasses 
collez vos oreillettes au plus près
de la mousse 
La forêt est bruissante c’est une usine à sons 
un concert underground Ne rêvez plus d’être emportées 
dans un morne bouquet par un prince 
en jogging
Restez sur pied le pied léger à défier
le temps Le joli temps d’avant 
les vendanges

 

Manoleta, mai 2008

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Les ouvriers de la TPM ont embauché à treize heures ce samedi pour mettre tout en place. Il leur a été recommandé de soigner leur tenue vestimentaire et leur présentation. C’est journée Portes Ouvertes à l’usine et le comte de Luynes recevra lui-même les visiteurs, accompagné de Madame la comtesse. Il ne lui en coûtera qu’un infime déplacement : les bâtiments qui abritent son entreprise sont proches du château; seule les sépare l’ultime portion d’une allée longue de plus d’un kilomètre bordée de lourds sapins. Depuis la route, à hauteur de la grille en fonte ouvragée, rien n’est apparent que la forêt du Rouvre et cette trouée ménagée parmi les hautes futaies. Cela fait une vingtaine d’années qu’Antoine de Luynes est devenu pourvoyeur d’emplois dans le canton, réprimant du même coup toute velléité désobligeante à l’égard du château. Citer le nom des de Luynes dans un commerce de la ville proche, c’est déclencher aussitôt un concert de louanges à l’égard de celui qui contribue au bien-être et à la prospérité de ses habitants : Grâce à lui, ils sont près de deux cents qui oeuvrent, en complémentarité, pour la tentaculaire et voisine fabrique de petit électro ménager libérateur de la femme. Je vous le dis, moi, ces gens-là sont du bon p’tit monde. Et bien humain avec ça… un jour mon beau-frère avait oublié son casse-croûte, eh bien, ils lui en ont préparé un. Depuis, le comte a fait construire une buvette, comme ça, à la pause, chacun peut s’acheter à boire et à manger.

A la Chiennerie, on récure les enfants, on habille les filles de robes brodées, on brosse les vieilles guenilles, on décrotte les souliers pour aller admirer le gars Paul sur sa machine. Dame, c’est pas tous les jours qu’on peut entrer au château. Et après la visite, on sera autorisé à passer devant le chenil pour voir de près les chiens de meute. Paul a battu le rappel et compte sur la présence des parents et amis. Cousins, voisins, résidents secondaires, anglais en quête d’intégration, tous seront de l’expédition, comme pour des noces. Pour sûr que ce sont des noces, lance le grand Jacques qui travaille à la Monnaie de Paris, aujourd’hui, c’est la noce des rupins et des purotins ! Purotin, ce terme vieilli  souvent entendu au Chat Noir et désignant “celui qui est dans la purée” passe très au-dessus des têtes tandis que s’ébranle le cortège des voitures. 

Passée la somptueuse grille si grandement ouverte que les différences de classe en sont provisoirement gommées, la côte est  franchie dans la bonne humeur. Les visiteurs découvrent sur leur droite des beautés insoupçonnées. Le château est une riche demeure seigneuriale avec son parc à l’anglaise, sa ferme,  ses écuries voûtées, et une chapelle où sont encore célébrés les événements familiaux.

A la fabrique, sur le versant opposé, chacun est à son poste, exécutant les gestes habituels avec le sourire - et sans aucune rémunération. Seule variante aux autres jours, la complicité des travailleurs avec un public qui leur est acquis. Opération de communication essentielle pour la survie de l’entreprise, leur a-t-on dit ! A prendre comme une sorte de récréation, sachant qu’avec un peu de chance, on pourra se retrouver en photo dans le journal. La presse locale a été conviée ainsi que le député maire de Saint-Paterne qui chasse à courre avec le Sous Secrétaire d’état à l’Industrie.

La Gisèle, celle de la ferme des Jaunais, fait la gueule. Son sourire s’est affaissé jusqu’à la grimace : c’est qu’elle vient de coincer son talon aiguille dans une palette de la réserve en déplaçant une caisse. Ces chaussures, elle  aurait mieux fait de les laisser dans leur carton, elles devra en racheter pour la prochaine fête communale !

Propre comme un sou neuf, le regard de faïence rehaussé par son polo vert pré, Paul, de sa belle énergie,  pilonne  imperturbable les pièces ressorties défectueuses au contrôle. Comme Atilla, le gars Paul est un fléau dont le zèle déclenche quelques rires tandis qu’il commente son geste:

Ah ben dame, il le faut… Y n’faut que d’la belle ouvrage !

Jacques, le parisien de la Monnaie, milite au syndicat du livre. Il a amené avec lui son aînée, plongée dans ses études de droit et récemment initiée au code du travail. La demoiselle harcèle de questions embarrassantes l’ami Paul qui devient écarlate :

 - Avez-vous une section syndicale d’entreprise ?

- non, il n’y a point d’ça ici…

- Bon !… vous avez un comité d’hygiène et de sécurité ?

- chut ! j’sais t-y, moi  ?

- Mais… tout de même, vous avez au moins un comité d’entreprise ?

- chut ! non…  on n’parle point d’ça ici !…

Paul est un bon copain et Jacques fait taire sa fille tandis que le comte s’approche pour saluer les visiteurs qu’il pense avoir croisés parfois dans des assemblées, sous son écharpe de maire.

Le maître des lieux félicité, les ouvriers encouragés, le défilé s’étire jusqu’au chenil, simple incursion dans le domaine privé. On s’esclaffe devant la meute de chiens courants qui ne restent jamais en peine d’activité, les terres du comte comprenant quelque quatre cents hectares de belle forêt.

Seule la presque avocate redescend promptement l’allée principale déclinant le cadeau des chiens, les senteurs enivrantes du parc… Elle franchit la grille sans un regard pour ses gracieuses volutes, réservant enthousiasme et marques d’admiration pour d’autres causes plus nobles !

 

 

Manoleta, 29 mars 2008

 

 

 

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 Vrai c’est insensé ce qu’il a plu ce printemps, ce sont même des trombes d’eau qui nous sont tombées dessus sans discontinuer depuis la dernière lune. Ma vasque en coquille n’en pouvait plus de me faire le grand jeu des Plaisirs du Roi, de telle sorte que j’étais doublement arrosé, exposé de toutes parts aux caprices du ciel et plus étroitement touché par les ruissellements circulaires de mon étrange couvre-chef; ainsi retranché dans ma cascade et dans une absence totale de repères conséquente au brouillage en surface de mon bassin,  j’avais bel et bien perdu ton reflet, mon petit pâtre, mon compagnon joueur de flutiau et je ne percevais de musique qu’étonnants martèlements impressionnistes à la Debussy ; j’ai même reconnu parmi le flic-flac des gouttes dans un mouvement  mezzo voce une lointaine berceuse que me susurrait ma mère, la pâle Angélique, lorsqu’elle m’abritait sous ses ailes laiteuses, une berceuse qui enjoignait l’enfant-do que j’étais à faire bientôt dodo, mais il n’était plus question de dormir sous ce déluge et dépourvu de la moindre protection ; j’ai claqué des dents tout avril en maudissant les nuages qui me coupaient de ton image, me laissant seul, harassé sous le poids de ma vasque, et songeant avec tristesse qu’il était revenu de sa béatitude l’angelot replet arraché à sa cohorte de chérubins lorsqu’il mesurait, à la patine de sa pierre, les années parcourues… Dis, en avons-nous vécu des temps fastueux, réceptions officielles, soirées d’apparat, en avons-nous surpris des intrigues et des rires sous cape, observé des alliances, chuchotements et conciliabules, et comme nous savions pudiquement détourner le regard lorsque se tenaient en notre présence de galants entretiens… A la naissance du jour, la cour d’honneur avait retrouvé son intégrité et ton chant montait léger pour faire danser quelque bergère, éveillant un à un les oiseaux du parc, je te contemplais comme aujourd’hui au miroir de mon eau tranquille puisque le bâtisseur nous a ainsi ordonnancés l’un et l’autre tournés au zénith, interdits de tête à tête,  je contemplais ton image, tout comme aujourd’hui, rassuré par ta proximité, empli de tes trilles, et les jours auraient pu s’écouler sereinement ponctués par les ombres portées du cadran solaire si n’étaient venues les années noires, celles de la décadence, de la mise à l’écart : voilà que la belle demeure a sombré dans l’oubli, alors ce furent les attaques d’une végétation exorbitante, les mousses, le cresson, l’oseille sauvage, les lichens s’acharnaient sur moi, obstruant le miroir, absorbant ma réserve d’eau, étouffant ta musique, les lierres progressaient en s’enroulant comme des liens maléfiques et les pigeons déversaient leurs fientes depuis les rebords de ma vasque, la beauté ne rêgnait plus, l’eau ne jaillissait plus et les bosquets n’abritaient plus de secrets ; il a passé sur nous des saisons, des pluies et des grêles, de timides soleils aussi, mais les jours ne dansaient plus, ni les pastourelles au pied léger, et toi mon beau pâtre, tu avais si bien déserté le fil de l’eau que ma couleur se fanait au gré d’un réel chagrin… Qui a donné l’alerte ? un matin ont débarqué jardiniers et rédempteurs de tout poil qui se sont employés à réhabiliter les lieux , et voici venues les journées du patrimoine qui nous mettent à l’honneur en préambule à la visite de l’Hotel de Barral, j’y apprends en percevant de nouveau toute la gaieté de ton chant que nous formons dans la cour d’honneur “quelques éléments remarquables de nature à enflammer l’imagination : un bassin Napoléon III, un petit ange de pierre portant sur sa tête une coquille Saint-Jacques, un Dieu Pan jouant de sa célèbre flûte et, sur le même alignement, un cadran solaire mesurant inlassablement le temps qui passe.”

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