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hopital_red

 

Catherine va rendre visite à sa mère hospitalisée. Auprès de la malade muette ou presque, elle poursuit ses réflexions dérisoires au regard du drame qui se joue à côté d’elle. Du sentiment de solitude et de l’incommunicabilité des êtres…

 

Sylvie a téléphoné. Elle voulait avoir de tes nouvelles…


Je dis, Sylvie a téléphoné, elle voulait avoir de tes nouvelles.

Sylvie… Sylvie a appelé! Elle voulait savoir comment tu allais

Ca va?…

Oh, depuis tout à l’heure, je cherche le nom d’un journaliste… Il est présentateur sur Champagne-Ardenne… Champagne-Ardennes… Au journal télévisé de Champagne-Ardenne…. Je me souviens pas… J’ai le nom sur le bout de la langue… Il présente le journal de Champagne-Ardenne, à la télé… C’est un nom compliqué… Non, à Champagne-Ardenne, à la télé… Ah, c’est bête! C’est un prénom original… Lui, il ne me reconnaîtrait pas, mais moi je le reconnaîtrais dans la rue… C’est pas un nom courant… Oh, c’est sûr que je vais le trouver, quand je partirai… Un présentateur télé sur Champagne-Ardenne…

 

 

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chien3

 

P’tit bureau
P’tite usine
P’tite cuisine
dans P’tit boulot

P’tit paletot
P’tite copine
Jour de frime
dans p’tite auto

P’tit tango
P’tit amour
Trois p’tit tours
et p’tit marmots

P’tits bibelots
P’tits amis
P’tites parties
dans p’tit studio

P’tit mélo
P’tit bonheur
c’est plus l’heure
d’être un héros

P’tit tricot
P’tite voisine
Il devine
Ce sale cabot

Qu’à mon grand âge
près du rivage
mon p’tit sillage
ne r’mue pas l’eau.

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p1040027_red

Poc

Vous savez, j’ai 75 ans, je joue depuis 3 ans, je ne suis pas un bon joueur, mais le golf, ça m’a sauvé la vie

Poc, poc.

Non, pas comme ça, tournez sur les hanches. Qu’est ce que vous prenez comme fer? Non, celui là c’est pour quand on est dans le sable. Prenez le 5 ou le 7.

Poc.

J’avais jamais fait de golf. Moi, c’était plutôt le foot, le dimanche. Ma femme n’a jamais rien dit. Elle m’attendait. Et puis elle est tombée malade. Pendant 8 ans, je l’ai poussée comme ça, dans un fauteuil roulant. Puis elle est morte. J’ai fait deux déprimes, regardez, j’ai même fait une tentative de suicide en me tailladant les veines. Je pouvais pas supporter. C’est dur d’être seul.

Poc.

J’allais dans des bals, pour trouver une autre femme. Mais sans enthousiasme. Une fois j’en ai trouvé une, elle me collait.

Poc.

Non, tendez le bras, plus que ça… Voi…là! Bien, bravo! Bon coup! Je suis un bon prof… Je vous demanderai 20 Euros, c’est pas cher…

Poc.

Et puis j’ai pris peur. J’ai préféré rester seul. Quand il fait beau le golf, quand il pleut je mets les cassettes. Il faudra que je garde une chambre rien que pour les cassettes…

Poc.

Un jour, j’étais en pleine déprime, j’ai vu une publicité sur le golf, une promotion. Je me suis dit pourquoi pas? Tu vas te faire plaisir pendant quatre heures, si ça te plaît pas, tu n’auras rien perdu. Et puis j’ai pris 33 heures de cours, ça m’a plût tout de suite. On voit des gens, on parle, on marche dans la nature… Tant qu’on a les yeux sur cette balle, on ne pense  à rien d’autres. Les soucis, psitt…  Derrière!

Poc.

Commencez à accélérer quand vous êtes à hauteur de la taille, pas avant, le golf va prendre de la vitesse…

Poc.

Vous savez, moi, je n’ai pas d’argent, je suis un pauv’ retraité de l’Edf…

Poc

Peut être que je devrais retourner à ce bal…

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amour

Amour hasard
amour regard
amour je pars
et tu m’habites

Amour j’y pense
amour dérange
amour absence
et je t’invite

Amour patauge
amour eau d’rose
amour s’arrose
ça va si vite

Amour ivresse
amour tendresse
amour vitesse
et tu me quittes

Amour balade
amour salade
amour chamade
et tu m’évites

Amour tu passes
amour menace
amour qui glace
et tu m’assistes

Amour détresse
amour tristesse
amour vieillesse
et je te gîte

Au fond de moi
comme un tourment
comme un printemps
qui tous les ans

refleurira

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p1030997_red

…C’est l’époque des brocantes

Vous trouvez pas?…

Ca sent le vieux, le sec, l’huile et le parfum bon marché. Ca sent la frite, la merguez, la saucisse, la menthe et la transpiration. Mélangés, alignés, vaisselles et fringues usagés, le santon de Provence, le soliflore en pâte de verre, l’horloge sans aiguille, le cendrier breton, la poupée plastique, la capsule de champagne, la faux en vrai bois d’origine… Etalés pèle-mêle sur le sol, ou sur une couverture, sur la table de cuisine, la remorque, des tréteaux, de très tôt le matin à pas très tard le soir, les chineurs cherchent, découvrent, quêtent, s’enquêtent, s’enivrent de possibles découvertes.

“T’as pas vu les enfants?… Y zétaient là. C’est pas vrai! Y zont dû retourner avec leur mère”. Des senteurs d’hommes humectent l’air, sous le soleil exactement…

“Non madame, vous n’en trouverez pas ailleurs. Ce miroir est unique. Bizoté, vieilli. Je dis pas ça pour faire l’article”…

“Non, Raymond n’a pas pu venir, il est resté avec la gamine, tu sais, ça va pas mieux…”.

“Eh l’artiste, t’as vidé ton grenier?… Et ta femme, tu la vends aussi?”…

“5 Francs. Je vous le fais 5 francs. Y en avait deux, mais je ne trouve plus l’autre. J’ai dû le vendre… Je faisais 20 Francs les deux. Voyez, vous faites une affaire…”. C’est dur de sonder la poche, les pièces ne viennent pas comme ça. La ceinture est serrée, le ventre gonflé, le visage rougit, et les yeux satisfaits: “je le mettrai à côté des autres. Sur la cheminée”.

 

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Comme toujours, on a oublié les confitures et les meringues, et puis l’écharpe et le pull bleu, les au-revoirs et l’écris moi, Mado n’a pas suivi sur le quai gris. Elle nous a laissé devant la locomotive fumante de ses pistons, comme impatiente d’en glisser avec le rail. Plus la peine de courir, on peut reprendre son souffle, les gros wagons verts bombés, bondés, vitrés attendent, même s’ils ont légèrement haussé la marche pour que l’on y grimpe en peinant. Les petits d’abord, les valises ensuite, les grands enfin.

Dans le couloir des secondes, l’ambiance est d’un coup feutrée. Plus de résonnances de quai, plus de sifflets, de clochettes, de klaxons, ni cris ni chuchotements. D’un peu plus loin, on entend distinctement l’enfant pleurer et la mère demander, presque susurrer: « donne lui à boire, tu vois bien qu’il a faim ». On sait presque la nature du papier qui entoure le biberon.

« Pardon, pardon… ». Le passage en couloir se ponctue d’excuses d’être, les dérangés les laissent en suspens, tout occupés à s’ôter le passé pour se disposer au futur.

Les sons semblent étouffés, rythmés par le glissement des portes fermant chaque petite maison compartiment. Un « clac » amorti, sec léger, définitif. Les fenêtres s’ouvrent sur le quai: « oui, oui, j’y penserai », ou « demande à ta mère si elle peut te ramener », et: « donne de tes nouvelles, ne fais pas comme  la dernière fois »… Des bribes de phrases, des parcelles d’existences, des femmes, des enfants qui vivent aussi, juste à côté.

Assis en face de mon numéro 12, il y a le numéro 13. Pour l’instant, c’est un sac-à-dos rouge, brillant, avec des lanières épaisses jaunes. Entre lui et la banquette, un livre repose, une collection d’enfants. Sur le plastique transparent, apparent, devant, il y a une étiquette et un prénom souligné, écrit comme on tire la langue. Marion a dû s’appliquer.

Sans crier gare, la rame se met en mouvement. Brusquement d’abord, puis doucement, progressivement, sous la puissance contenue de ses chevaux vapeurs. Les premiers « talac-talac-talac » des cassures de rails, ne couvrent pas encore les conversations. Dans le couloir, le va et vient persiste, s’amplifie, les portes claquent,  on s’interpelle, on s’appelle, on se hèle. Sur la banquette, droite et rigide, on glisse à chaque aiguillage, le train tarde à quitter ses voies de garage.

Les cabanes en bois, les poireaux alignés, les voitures désossées, les chiens attachés, remplacent progressivement les murs gris, les tuyaux d’usine, les câbles électriques. On flotte en banlieue. Le wagon hésite encore à se fixer sur une voie, mais chacun prend sa place. Sauf Marion.

« Zip-clac ». A l’atmosphère surchauffée du compartiment, je préfère le courant d’air du couloir. A la proximité d’étrangers, je préfère l’éloignement des jours passés. L’accoudoir qui coupe la vitre est juste à la hauteur de mes yeux. Il faut se hisser ou se courber pour voir le paysage. Je pose le front sur la barre métallique, les mains de chaque côté de la tête, les yeux au loin,  le vague à l’âme.  Un rideau dense d’arbres, du vert des champs, du gris des routes, des éclats de lumières, des autos au loin, des pavillons, des pavillons, des pavillons, la sirène du train, un tunnel, une fraction de sombre, un souffle, un fracas, puis la libération du jour et le mur d’arbres, encore. Talac-talac-talac…

Pendant ces attraits de dehors, une chevelure blonde est apparue juste à côté, sur la même fenêtre. Je ne vois pas son visage, mais ses mains sont à la hauteur de mes mains. Elle a posé sa tête sur la barre, son regard est dehors, loin. Ses mèches et sa jupe s’agitent en harmonie de train, suivant les vagues de ses errances. Nos visages se rapprochent et s’éloignent de la vitre. Quelques nuages de buées marquent l’endroit. Quand le spectacle est dégagé, l’œil se porte au loin, sur le concret ou sur le rêve. Quand le convoi frôle les arbres, la vue est limitée… à la glace et son reflet. A l’intérieur. Dans ces retours, c’est les cheveux de ma voisine que je surprends. Et pour la première fois je vois son visage en face. Un petit nez fin, un menton volontaire, des yeux tristes. Elle n’a pas modifié la portée de son regard, comme si la forêt n’allait pas durer. M’a-t-elle vu? Le train a sauté le mur d’arbres. Nous sommes revenus à l’anonymat. Pour une pose.  Le renvoi du tunnel est plus sombre, plus net aussi. Nos regards finissent par se remarquer, se croiser, s’étonner pour se quitter à nouveau. Bien vite, ils se retrouvent, s’habituent, s’attendent et se cherchent à l’envie.

Au début, les yeux ne tiennent pas le regard de l’autre. Les cils vacillent, les mains se crispent, la gorge sèche. Je jette un œil à droite, elle lance un œil à gauche. C’est bien nous! Le train sort du tunnel, on sort de nos rêves, on entre dans la lumière du présent, on entre dans l’intensité. Si la position du corps ne change pas, l’intérieur se volcanise, le cœur se donne des airs de tambours, en phase avec les interruptions de rails: « talac-talac »… La cloche d’un passage à niveau,  aigüe, grave, puis aigüe, elle est absente de nous, elle revaque à ses ailleurs. L’œil insiste, et finit par retrouver son fil, son équilibre, sa raison de déraisonner. Un pont est lancé entre nos vies,  une autre vie naît, si loin du tumulte, gorgé du bonheur de la découverte. Talac-talac…

Plus besoin des murs d’arbres pour s’inviter au partage. Les regards se devinent sous une pâture, au fond des bâtiments de ferme, le long d’une clôture. Fugaces en leurs débuts, ils s’attardent un peu, s’estiment, restent, espèrent. Le train s’est soudain vidé de tous ses bruits, pour laisser toute la place à un autre tumulte. Sur la barre, les mains se rapprochent, se guettent, s’éloignent. La main quitte la barre, touche la main de l’autre, une vie qui s’invite. Les regards ont quitté la vitre, s’apprécient désormais en face à face. C’est le bras, des fois, qui sert de paravent à l’émotion. Mais la main tient toujours.

Le train ralentit dans un crissement étourdissant de ferraille.  Quelques secondes encore et nos mains se séparent, elle entre en compartiment. Zip-clac, le sac à dos, les lanières jaunes, le livre d’enfant. Vite, vite… Elle s’accroche, elle retient son bras accroché. A la poignée un bracelet d’argent, gravé, le petit nom de rêve: Marion.


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En écho à l’exposition sur les bateaux à la Médiathèque de Soissons, voici une histoire de voyage… sentimental.

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Juste un espace de vie,  cette ombre portée fut ma lumière…
Elle m’apparut pour la première fois en contre-jour, à l’angle du garage, mouvante, impatiente, hautaine. Un chapeau de feutre mou, ramassé, comme partie intégrée de son visage. Son regard s’en faisait plus mystérieux, sa bouche plus sensuelle, son nez plus concis. Pour compléter son air d’aristo, elle avait enfilé un long manteau de bure noir. Un foulard de soi rouge et jaune caressait sa peau.

Dans l’auto, elle ne quitta pas son chapeau. Ses yeux de dessous m’appréciaient, me jaugeaient, me nommaient. Elle se départissait rarement de son sourire, ouvert sur deux dents légèrement écartées, des lèvres charnues, mais si finement dessinées. Elle riait beaucoup, elle parlait beaucoup. Sans doute pour dédramatiser. Ses gestes étaient vifs, précis, déterminés. Ses bras, ses frêles épaules, ses mains, savaient ce qu’ils avaient à faire. Jamais l’esprit n’en était distrait.

Le restaurant lui seyait bien: le <Gros bouffon>, comme une invit’ à déguster la vie à  pleine langue. Pourquoi nous sommes nous tout de suite installés sur le même pays? Nos pâtures étaient pareillement closes,  nos chemins si encombrés, nos montagnes si rapprochées, nous parlions le même langage, notre mer était au ciel…

Entre la poire et le rosé, nos regards ne cessaient de s’attendre, de se retrouver, de s’impatienter. Sa main virevoltait au dessus des verres, ses doigts montraient sa pensée, osaient l’indécence. Je la saisie au moment qu’elle passait. Elle ne se déroba pas. Elle était chaude, nerveuse, caressante.  Et si petite! Ses yeux s’abandonnèrent en douceur, en volupté, en accord.

Je ne lâchais plus cette main rassurante de toute la nuit. Une nuit? Un jour? Combien d’heures? De minutes? Le temps n’existait plus, ni la conscience du concret. Nous étions fondus, confondus, perdus l’un dans l’autre, en chaleur, en torpeur, en extase. Une présence d’un instant qui se prolonge. Voilà: un instant qui se prolonge… La note tenue en harmonie pour un concert emporté. C’est l’aube assurément qui souleva le rideau bleuté de la pièce, ramenant la vie de dehors. Si le soleil ne s’était pas levé?

Ses excès d’accoutrement ressemblaient aux affres de sa vie. Son quotidien naviguait en mer calme où elle se perdait pendant des heures, oubliant toute autre contingence, étriquée et mesquine. Il voguait de même dans la tempête, laissant souffler ses paniques, ses angoisses de petite fille , sa demande en amour jamais satisfaite. Jamais - ou si peu - de points d’équilibre. Jamais de pose en bord de sable, juste pour voir un soleil se coucher, jamais de marche au port ou sur la jetée odorante.

Je quittais parfois le bateau, pour reprendre pied dans mon équilibre, Pour souffler sur la terre, pour poser le béret. Au bord du comptoir, au bord du trottoir, en amitié, en redécouverte du grand large, loin de sa mer. Elle n’était pas née femme de marin. Sa patience d’attendre passait par toutes les fureurs, par toutes les humeurs. Elle se contrôla une fois, deux fois, mais au chant de la troisième fois, elle me renia. Au petit matin, dans les bras d’un autre. C’était le jour que j’avais choisi pour m’amarrer au port.

Philippe

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Il venait de prendre sa retraite.
Toute sa vie, il avait côtoyé la nature.
L’automne, aux aboiements du chevreuil entre le bois et l’étang,
L’hiver au vol des mouettes s’offrant le ver monté des socs,
Au printemps, se goinfrant du chant de l’hirondelle ou du rouge-gorge,
L’été enfin se repaissant du parfum chaud des blés montant des terres.
Il avait écouté Bach et Mozart trompant de concert la monotonie de son tracteur
S’était étonné des chauffards qui filaient à ne plus entendre le vent.
Ni la pluie. Ni la vie.

Il avait pris sa retraite, un peu  regrettant, un peu content.
Mais toujours généreux.
Comme il l’avait été pour les arbres et les champs
Il l’allait être maintenant pour le genre humain
devenu si démuni en une décennie
Son cœur allait au restaurant… du cœur

Avec enthousiasme, mais avec mesure,
il distribuait, parlait, souriait… sans compter
sans retenue
Sans retenue non plus pour s’étonner :
des races, des odeurs, des accents, des manières,
des façons, des accoutrements, des barbes, des ventres, des cris d’enfants,
des exigences.
De tout ce qu’il n’avait jamais vraiment vu de près
Son jardin qu’il avait si long temps cultivé n’avait donc produit que l’apparence
Une hauteur factice, une émotion du nombril, une générosité terre à terre

Le blé avait grandi
mais s’était couché.

Au premier coup de vent.

 

Philippe

 

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