Je suis né sur les rives du « lac » de Tunis. C’est ainsi qu’on appelait cette lagune littorale formée par les alluvions du principal fleuve tunisien (la Medjerda). Le débouché sur la mer se fait au port de « la Goulette », célébré par l’écrivain Serge Moati ou l’actrice Claudia Cardinale (j’étais copain avec son frère…) A l’époque de ma naissance la lagune venait s’échouer dans une banlieue industrielle et insalubre qui concentrait dans un périmètre très réduit un grand nombre d’industries polluantes : cimenterie, usine de production de phosphates, distillerie d’alcool, abattoirs, hauts-fourneaux ! C’est là que je suis né, et j’y ai vécu jusqu’à l’âge de 11 ans.
(Je joins ci-dessus la photo de ce paysage “pittoresque”!)
Quelque soit la direction du vent nous étions assurés d’avoir un parfum différent… Le « lac » lui-même, dont la profondeur n’excédait pas un mètre, finissait en marécages nauséabonds. Souvent, au printemps, quand les eaux commençaient à se réchauffer, le fond dégageait un gaz odorant et mortel pour les poissons : du méthane. Ces poissons mouraient alors en masse et flottaient, innombrables sur la surface ou sur les rives, pourrissant au soleil. Seules les anguilles, dans un réflexe salvateur, venaient ramper sur le rivage, comme des serpents d’apocalypse, où des pêcheurs occasionnels et peu scrupuleux venaient les ramasser par sacs entiers pour les vendre au marché de Tunis. Plus discret, sévissait aussi un terrible moustique : l’anophèle. La femelle se nourrit de sang qu’elle vient prélever sur les animaux et les humains. Elle transporte occasionnellement une maladie : le paludisme. Les personnes fragiles, enfants ou vieillards, y succombent parfois, épuisés par de terribles accès de fièvres. Je n’y échappai pas. Aussi longtemps que je m’en souvienne j’ai souffert du paludisme. La fièvre montait rapidement, avec des frissons de froid qu’aucune couverture ne pouvait soulager. Le remède curatif était administré sous forme de piqures de quinine, un produit qui brulait comme du feu lorsqu’il était injecté. Après quelques heures la fièvre cessait aussi brusquement qu’elle été arrivée, vous laissant inondé de sueur. Lors de ces répits, reposant épuisé dans mon lit, j’en profitais pour me faire « gâter ». Ma grand-mère m’apportait sa boite de bijoux, un joli coffret dont le couvercle en verre représentait la ville de Venise, lieu de naissance de mon grand-père. Quant à ce dernier, il m’apportait sa montre de gousset que je gardais contre mon oreille.
Ce sont tous ces souvenirs qui ont ressurgis en voyant cette exposition sur la protection de l’enfance par l’UNICEF. Quel constat peut-on en tirer ?
Aujourd’hui encore le paludisme tue un enfant toutes les 30 secondes. Chaque année 350 à 500 millions de personnes en sont atteintes et un million en meurent.
L’UNICEF est l’un des membres fondateurs (avec l’OMS) de l’initiative « Faire reculer le Paludisme ».
Son objectif est de réduire de moitié le fardeau du paludisme. Cette maladie est l’un des facteurs de mortalité infantile les plus importants en Afrique, très loin devant le SIDA. L’UNICEF, dans sa lutte, n’oublie pas toutefois cette dernière pandémie dont l’Afrique est le continent le plus affecté. Elle lutte notamment pour empêcher la transmission du VIH de la mère à l’enfant.
Jean
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