Archives pour avril, 2010

 

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Paysage de mon lieu de naissance

 

Je suis né sur les rives du « lac » de Tunis. C’est ainsi qu’on appelait cette lagune littorale formée par les alluvions du principal fleuve tunisien (la Medjerda). Le débouché sur la mer se fait au port de « la Goulette », célébré par l’écrivain Serge Moati ou l’actrice  Claudia Cardinale (j’étais copain avec son frère…) A l’époque de ma naissance la lagune venait s’échouer dans une banlieue industrielle et insalubre qui concentrait dans un périmètre très réduit un grand nombre d’industries polluantes : cimenterie, usine de production de phosphates, distillerie d’alcool, abattoirs, hauts-fourneaux ! C’est là que je suis né, et j’y ai vécu jusqu’à l’âge de 11 ans.
(Je joins ci-dessus la photo de ce paysage “pittoresque”!)
Quelque soit la direction du vent nous étions assurés d’avoir un parfum différent… Le « lac » lui-même, dont la profondeur n’excédait pas un mètre, finissait en marécages nauséabonds. Souvent, au printemps, quand les eaux commençaient à se réchauffer, le fond dégageait un gaz odorant et mortel pour les poissons : du méthane.  Ces poissons mouraient alors en masse et flottaient, innombrables sur la surface ou sur les rives, pourrissant au soleil. Seules les anguilles, dans un réflexe salvateur, venaient ramper sur le rivage, comme des serpents d’apocalypse, où des pêcheurs occasionnels et peu scrupuleux venaient les ramasser par sacs entiers pour les vendre au marché de Tunis. Plus discret, sévissait aussi un terrible moustique : l’anophèle. La femelle se nourrit de sang qu’elle vient prélever sur les animaux et les humains. Elle transporte occasionnellement une maladie : le paludisme. Les personnes fragiles, enfants ou vieillards, y succombent parfois, épuisés par de terribles accès de fièvres. Je n’y échappai pas. Aussi longtemps que je m’en souvienne j’ai souffert du paludisme. La fièvre montait rapidement, avec des frissons de froid qu’aucune couverture ne pouvait soulager. Le remède curatif était  administré sous forme de piqures de quinine, un produit qui brulait comme du feu lorsqu’il était injecté. Après quelques heures la fièvre cessait aussi brusquement qu’elle été arrivée, vous laissant inondé de sueur. Lors de ces répits, reposant épuisé dans mon lit, j’en profitais pour me faire « gâter ». Ma grand-mère m’apportait sa boite de bijoux, un joli coffret dont le couvercle en verre représentait la ville de Venise, lieu de naissance de mon grand-père. Quant à ce dernier, il m’apportait sa montre de gousset que je gardais contre mon oreille.

Ce sont tous ces souvenirs qui ont ressurgis en voyant cette exposition sur la protection de l’enfance par l’UNICEF. Quel constat peut-on en tirer ?

Aujourd’hui encore le paludisme tue un enfant toutes les 30 secondes. Chaque année 350 à 500 millions de personnes en sont atteintes et un million en meurent.
L’UNICEF est l’un des membres fondateurs (avec l’OMS) de l’initiative « Faire reculer le Paludisme ».
Son objectif est de réduire de moitié le fardeau du paludisme. Cette maladie est l’un des facteurs de mortalité infantile les plus importants en Afrique, très loin devant le SIDA. L’UNICEF, dans sa lutte, n’oublie pas toutefois cette dernière pandémie dont l’Afrique est le continent le plus affecté. Elle lutte notamment pour empêcher la transmission du VIH de la mère à l’enfant.

 

Jean

 

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Alors quoi ?! Ne pas écrire sur l’exposition actuelle à la Bibliothèque, sous prétexte de figurer parmi les exposants ? C’est comme si un fêtard invétéré, sortant son smoking à la moindre invite, renonçait à aller à une boum parce que c’est pour son propre anniversaire.

En effet, il y a un air de soirée légère dans l’espace d’exposition de la Bibliothèque, où ces fragments écrits flirtent avec les visiteurs, pour les attirer vers le texte intégral. « Regardez ma phrase, n’est-elle pas jolie ? Suivez-moi donc et vous verrez le reste. »

Ce matin, dans cet air printanier si frais et pétillant qu’on s’attendrait à voir remonter des bulles vers sa surface, je me suis retourné dans le jardin pour regarder le pinacle du porche devant la maison, raidi par le froid, qui a lâché au redoux, et à nouveau fier sur son petit double escalier à moineaux. Hier J-P, sur un escabeau, fixait le multi-trèfle de pierre (les échos irlandais, comme d’habitude, s’insinuent en resquilleurs). Il y a longtemps, longtemps c’était un autre ami, mort depuis, qui avait mis la dernière touche à ce pignon.

L’histoire pourrait s’arrêter là, céder la place à ce qui suivrait. Mais la conscience aigüe de ces parcelles exposées à la Bibliothèque et qui s’offrent à la lecture fait penser au passage de la pensée si intime, si privée, à l’écriture si intime, si publique.

Avec quels mots exprimer ces pierres, ces personnes, ce temps, ce travail des mains, ces amitiés, cette mort, cette maison et sa longue histoire, dans laquelle s’insère l’actuel foyer comme un oiseau qui occuperait un nid existant en faisant de sommaires aménagements ?

Les mots se présentent, bonnes filles toujours. Mais prendront-ils leur envol, ou resteront-ils sur la piste, alors que les passagers regardent par les hublots et soupirent de frustration ? Voilà le doute qui ébranle toute routine.

La fiction tourne le dos à la réalité – pour en exprimer sans doute l’essentiel – mais mon propos est de donner forme à un souvenir et aux impressions et émotions qui l’entourent.

Pourquoi faire ?

Une première exultation, ou remue-émotions, à l’idée de la mise en mots. Puis le labeur qui maintient la musculature cérébrale. L’éclairage, la définition que l’exercice donne à ce qui traîne diffus dans la mémoire ; mais la conscience, jusqu’à la panique, que les mots font des vrilles en transcrivant les archives. Enfin, un sens de validation : le souvenir a grandi, et peut quitter la maison.

Lu, ou vu, le texte est refait par chaque lecteur selon son histoire et sa sensibilité. Le nombre de visiteurs de l’exposition de Marque-pages que multiplie celui des écrits donne donc un total vertigineux d’éditions, s’empilant autour des panneaux puis emportées à travers la ville.

Comme un potier, je mets de moi dans ce que je produis. Mais chacun fera de l’écrit comme il fera du pot. Au moins qu’il serve !

 


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