Frères Humains qui passez devant ma cage vitrée, ayez pitié de moi !
Pourquoi suis-je là, devant cette femme en plastique, exposé à vos regards craintifs et dégoutés ? C’est une longue histoire que je vais vous conter, ou plutôt vous transmettre, car je suis un expert en transmission de pensées.
Vous voyez les deux bosses sur le devant de mon crâne ? C’est à cela que ça sert !
Vous ne connaissez pas ce mode de communication, ou alors vraiment rudimentaire, au niveau de celui de nos nouveaux nés, tout juste capables de transmettre la crainte, la peur ou la joie…
Bon… résumons ! Il y a deux années de votre calendrier terrestre, je parcourais ce bras de la Galaxie qui abrite votre Soleil, quand mon vaisseau se trouva à court de carburant.
La région est assez pauvre en planètes habitées. On est loin de la richesse des mondes d’Andromède ou Cassiopée ! Mes indicateurs de bord signalaient que seule cette vilaine planète aux couleurs bleue, appelée Terre, possédait des êtres vivants. Obtenir quelques kilogrammes d’uranium dans les mondes du Centaure, à quelques années lumières d’ici, aurait été l’affaire de quelques jours, mais ici sur Terre c’est une autre histoire. On me demande d’ACHETER ce carburant, et ceci en violation avec les règles habituelles de savoir-vivre galactique ! Bien sûr j’ai tout de suite été une vedette, passant à la télévision, interviewé par les journalistes du monde entier (enfin ceux de la Terre…) Il y a eu même un dénommé Spielberg, producteur de films, qui est venu me rendre visite et qui m’a montré un film sur un de mes congénère. Le film s’appelle E.T- je crois- et raconte les mésaventures d’un collègue égaré comme moi sur cette planète xénophobe. Enfin, le film se termine bien, mais pour moi je ne suis pas encore tiré d’affaire !
La somme que je dois réunir pour acheter l’Uranium est énorme ! Après m’être fait rémunérer pour les émissions de télévisions qui ont suivies mon arrivée, la curiosité a diminué et les rétributions correspondantes aussi. Comme je ne sais rien faire de mes huit doigts (oui je suis DIFFERENT…), j’ai été obligé de miser sur la vente de mon « image ».
Il y a des tas de bizarreries sur ce Monde.
Entre autre la MODE ! C’est un concept inconnu chez nous. Il consiste à imposer au plus grand nombre des habitudes conçues par un petit groupe de « publicitaires » excentriques. J’ai été contacté par l’un d’eux, un italien dont j’ai oublié le nom : « Panzani » ? … je ne suis pas sûr… peut être « Armani » ? En tout cas il m’a fait un pont d’or pour m’exposer dans cette vitrine de New-York.
Avec cet argent je pourrais avoir mes dix millions de dollars à la fin de l’année.
En attendant, tous les matins j’intègre ma vitrine dans laquelle est exposé un mannequin en plastique habillé par les vêtements hors de prix du modiste italien, paré par les bijoux d’un autre artiste français et chaussé par un bottier américain.
Devant la foule des badauds ébahis je bouge vaguement, désignant l’icône de la Mode de mon doigt, clignant des yeux quand éclatent les flashes des photographes.
C’est qu’on vient de loin pour me voir ! Tenez cette jeune fille, là… avec son tee-shirt noir et les mots « I NYC » écrits dessus… elle vient de SOISSONS, de l’autre côté de l’océan !
Allons, courage ! Je redresse la tête, cligne des yeux et grimace un sourire à cette Maëva venue de si loin.
Je suis heureux parce que dans exactement 153 jours j’aurais enfin l’argent pour acheter le carburant.
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