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Si Salim Le Kouaghet mettait de la calligraphie arabe sur ses images, j’y supposerais, sans pouvoir la lire, un sens, une logique prosaïque ou poétique. J’en resterais là, dans le plaisir des yeux. Mais il déploie ce qu’il appelle « un geste d’écriture », c’est tout. L’« abstraction » de ce geste appelle un autre regard. Rien n’est moins abstrait que la réaction à l’art abstrait. Sans paysage ni portrait ni nature morte à reconnaître, il donne une indication que suit chacun selon ses préoccupations.

J’erre alors, passe à travers la notion d’écriture qui vient forcément en tête des références, et arrive à celle de la parole. Après tout, l’écriture n’est que (que ?!) le codage de ce qui se dit. La parole, donc, dans ses différents avatars.

J’ai grandi en anglais et, tenu par des obligations familiales, m’essaie parfois au néerlandais. Mais je vis en français. Les compliments qu’on me fait sur mes compétences ne font que souligner, bien sûr, que je ne le parle pas en natif. Je fais des fautes, tout en sachant en déguiser la plupart, et l’accent reste indécrottable. Mon anglais d’enfance était déjà fortement accentué, et c’est avec cet accent-là que les lèvres pervertissent le français.

J’aime d’amour le français pour sa grâce, et je tente volontiers le numéro d’équilibriste nécessaire pour le parler avec élégance mais sans prétention. J’aime son aptitude aux saillies d’esprit. Pas besoin d’être original : un commerçant rappellera à tout client maladroit qui sème ses pièces jaunes par terre que « pourtant, Monsieur, ça ne pousse pas ». Chacun se félicite alors d’appartenir au « peuple le plus spirituel du monde ».

La langue possède tant de clarté que ses tournures peuvent paraître inévitables, statiques même. Le tout est d’y mettre du mouvement en gardant la rigueur. L’anglais, en revanche (mot combatif, adéquat aux relations entre les deux cultures) regorge de nuances et variantes, par son gigantesque vocabulaire puisé aux deux sources latine et saxonne. Le danger y est de se perdre dans le dédale des possibilités. La poésie anglaise est en couleur ; la française en noir et blanc. Chacune met aussi bien l’essentiel en mots.

« Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer » disait Taine ; Si le mot « baragouiner » était absent du français, il faudrait l’inventer, pour dire la façon dont je parle le néerlandais. J’ai ramassé ses éléments comme on cueille des fleurs le long d’un chemin creux, et le résultat est bien confus. J’entrevois seulement la beauté de sa sévère syntaxe germanique qu’allègent la simplicité des conjugaisons et déclinaisons, et la pragmatique formation des mots (le lierre est « klimop », c’est-à-dire « la grimpe »).

En anglais je flotte comme dans le liquide amniotique. En français, je nagerais assez bien dans une course pour gagner une médaille (de bronze, n’exagérons pas). En néerlandais je me débats comme un gros monsieur tombé dans un étang sans savoir nager.

L’anglais a toujours été d’importation en Irlande, et dans les abîmes de mon anglais maternel se mouvait la langue originelle, n’émergeant que dans des tournures, des mots dont j’ignorais l’origine. Je ne parle pas le gaélique, pas plus que je ne lis l’arabe. Plutôt « je ne parle pas encore », car je garde l’espoir de m’exprimer un jour sans accent. J’admets aussi attendre que, voix et parole enfin réconciliées, le verbe devienne chant.


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A vous trois

marquepages.soissons, c’est très bien

j’ai bien reçu les photos de Denis et Jean

Jean, je ne lirai ton texte sur la pétanque et ceux des autres qu’après

avoir écrit le mien

une façon de faire mon devoir de vacances plus vite

Je vous enverrai une photo avant le 15 aôut

Bisous et bonnes vacances !

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