Mirka, la jument s’arrête, d’instinct, devant la barrière en bois. Maurice, qui dormait sur les genoux de sa mère, s’éveille :  «  Oui ! nous voilà arrivés ! C’est la maison des vacances ! » La maman, descendue de la calèche pour ouvrir la clôture, le reçoit dans ses bras. Le garçon court, gambade, ivre de bonheur… Au fond du jardin, il se penche pour ramasser une pêche, plus loin…, il cueille une grappe de raisin…

Le papa, lui, a pris Mirka par la bride et l’a conduite vers la grange pour la dételer, l’essuyer avec un bouchon de paille car la bête est en sueur. Il la rentre ensuite à l’étable où il lui donne de l’eau, de l’avoine et du foin.

Dix ans plus tard, Maurice se rappelle de cette jument, paisible, douce… Elle était sa préférée, comme elle l’était aussi de la famille. A chaque visite chez des amis, ou pour aller au marché, Papa, le frère ou les grandes sœurs attelait Mirka au char à bancs et on partait sur les routes, ballotté par les cahots. Le plus souvent, la jument marchait. Elle trottait aussi lorsque le conducteur l’y incitait en la flattant avec les rênes.

Oui Maurice se souvient. A présent c’est à son tour de conduire les chevaux. Quatorze ans, le certificat d’études en poche, il est venu renforcer l’équipe de travail à la ferme familiale. On ne lui a pas laissé le choix ! Toute force mâle est embauchée d’office pour venir aider le père…

Déjà on lui confie la conduite de l’attelage pour les travaux les plus simples : labours à l’automne… hersage et roulage derrière les semis de printemps…

Mener les chevaux, tout un art ! Il faut savoir se faire reconnaître, les rassurer de la voix, les inciter au travail, les calmer lorsque la pression à la tâche est trop forte… Un cheval emballé est un cheval fou ! Il traverse les champs en courant, saute au dessus des clôtures et risque de se blesser comme il pleut blesser ceux qui l’approchent… Habile est celui qui réussit à la calmer et à l’adoucir …

Un attelage de chevaux à la ferme est une richesse ! Les animaux forts, puissants, calmes assurent la force de travail. Leur apprentissage demande du doigté, de l’expérience, car faire reculer un jeune poulain dans les brancards d’une charrette nécessite de la patience, de la fermeté. Il faut donner à l’animal la sécurité, la confiance du maître… Caressé, cajolé, il se laisse guider petit à petit. Peu à peu le couple homme-bête prend de l’assurance… Dans une deuxième étape, le cheval doit s’habituer à travailler en attelage… Mis à côté d’un animal expérimenté, celui-ci prend sa part dans l’apprentissage du nouveau venu : travaillant un peu plus fort, ralentissant l’allure, restant calme à côté d’une jeune bête plus nerveuse…

Maurice, marchant derrière la charrue, acquérait cet art à son tour… Mais là il devait rester attentif pour que le tracé des sillons soit droit, que le soc soit à la bonne profondeur pour ne retourner que la terre arable… Devant lui les chevaux tiraient, tranquillement…. Et tout le calme champêtre les entourait, les englobait… comme dans un tableau de Millet !


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