Il venait de prendre sa retraite.
Toute sa vie, il avait côtoyé la nature.
L’automne, aux aboiements du chevreuil entre le bois et l’étang,
L’hiver au vol des mouettes s’offrant le ver monté des socs,
Au printemps, se goinfrant du chant de l’hirondelle ou du rouge-gorge,
L’été enfin se repaissant du parfum chaud des blés montant des terres.
Il avait écouté Bach et Mozart trompant de concert la monotonie de son tracteur
S’était étonné des chauffards qui filaient à ne plus entendre le vent.
Ni la pluie. Ni la vie.
Il avait pris sa retraite, un peu regrettant, un peu content.
Mais toujours généreux.
Comme il l’avait été pour les arbres et les champs
Il l’allait être maintenant pour le genre humain
devenu si démuni en une décennie
Son cœur allait au restaurant… du cœur
Avec enthousiasme, mais avec mesure,
il distribuait, parlait, souriait… sans compter
sans retenue
Sans retenue non plus pour s’étonner :
des races, des odeurs, des accents, des manières,
des façons, des accoutrements, des barbes, des ventres, des cris d’enfants,
des exigences.
De tout ce qu’il n’avait jamais vraiment vu de près
Son jardin qu’il avait si long temps cultivé n’avait donc produit que l’apparence
Une hauteur factice, une émotion du nombril, une générosité terre à terre
Le blé avait grandi
mais s’était couché.
Au premier coup de vent.
Philippe
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J’ai donc suivi ce passage d’une vie passée au contact de la nature, évoquée tout naturellement dans des termes lyriques et imagés, presque faciles, à une autre parmi les nécessiteux, racontée avec des mots abrupts, presque pénibles, pour finir dans la rencontre entre les deux. Tout y est fait par ce choix de registre langagier. Voilà l’expérience d’un lecteur.