Un hôtel particulier, au temps passé
Le cadran solaire marquait l’heure d’été
les enfants s’ébattaient autour du bassin
pendant que parents et amis réunis à l’ombre
se faisaient servir quelque collation
et palabraient sur le devenir de leur engeance
Celui-ci fera l’armée, l’autre sera curé,
il en faut bien un pour s’y coller
La petite est mignonne, elle épousera un gros fermier
les terres pourront s’adjoindre, le domaine s’agrandir
et la famille continuer à parader au-dessus de la basse cour
Tous ces plans s’échafaudaient au son de la flûte de Pan
et l’on songeait à Compostelle
pour se faire bien voir d’un Dieu dont on attendait les bienfaits
à savoir garder l’aisance et le pouvoir
Aujourd’hui le cadran solaire n’est plus fiable
le temps s’est déréglé, le soleil a ses caprices
et pan pan pan s’est fait déboulonner
par les boum boum boum d’une sono poussée à fond
Oh, il y a toujours des pèlerins pour Compostelle
aujourd’hui, ils cheminent sur des routes polluées
Portable à l’oreille, ils peuvent toujours se faire dépanner
engager un engin roulant, griller une étape
et avec un peu d’oseille bichonner leurs pieds meurtris
Avant de revenir à domicile et contempler le cœur flétri
le verdissage de la pierre, la moisissure qui s’installe
la décrépitude inévitable et la dilapidation de l’héritage familial
par des descendants corrompus, gagnés aux envies d’un autre siècle
Le premier étage est fermé
derrière les fenêtres occultées, les meubles sont voilés
maintenant les cireurs sont salariés et l’hôtel revient cher
Heureusement, il reste la protection du patrimoine
et les subventions, une façon de poursuivre l’histoire
à conter aux petits enfants de la ville de Soissons