Archives pour mai 1st, 2011

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Un jour mon fils a fait la connaissance d’un tailleur de pierres. Celui-ci travaillait à Saint Pierre Aigle, petit village à quelques kilomètres de celui où j’habite.
La carrière de Saint Pierre est réputée. Elle contient un espace délimité par des clôtures, dans lequel on extrait les pierres destinées à l’entretien de la cathédrale Notre Dame de Paris. En effet ses pierres d’origine proviennent du sous-sol parisien mais ce dernier, véritable gruyère, ne peux plus fournir de matériaux, au risque de voir s’effondrer le sol en surface.
Ce tailleur de pierres donc, en visite chez mon fils, est venu faire un petit tour chez moi.
Il a regardé les murs de ma maison et… il a lu dedans !
C’était un spectacle étonnant. On aurait dit qu’il lisait un livre dont il feuilletait les pages.

Les blessures de la « grande guerre » (la seule qui ait marqué notre région) revivaient sous ses doigts. Ils caressaient les vieilles cicatrices, faisant renaitre le passé.

« Le mur a été effondré jusqu’ici » disait-il en plaçant sa main à une hauteur d’un mètre cinquante. Moi je n’y voyais rien, sauf peut-être une petite différence dans l’ordonnancement des pierres. « Le travail de restauration a été fait par des maçons italiens. Je reconnais leur facture ».
« Ils ont utilisés le matériau effondré, avec seulement quelques apports de la carrière ».
Une pierre comportait une gravure en forme de flèche à double barbillons. « C’est la signature du maçon. Généralement ces pierres étaient placées près de la porte d’accès afin que les visiteurs la voient. Une publicité en quelque sorte… »
Son regard a été attiré par une grande pierre à moitié enfouie qui avait une forme trapézoïdale.
« Ceci est un ancien linteau de porte. Celle-ci a été supprimée. Le linteau est devenu inutile et a été déposé là, peut-être pour un usage ultérieur. La pierre marquée est restée en place. »

Quand le tailleur de pierres est reparti, il a laissé comme un vide.
J’ai beau regarder mes murs, c’est comme si je regardais un manuscrit chinois. Je sais que cela signifie quelque chose mais je suis incapable de dire quoi.
Et je songe à l’histoire des cathédrales, à la somme de travail fourni, quelquefois sur plus de cent ans. Nos guerres ne les ont pas épargnées non plus. Les cicatrices laissées par les obus constellent leurs façades, nous rappelant que la violence qui était courante à l’époque de leur construction est encore bien présente.

Jean

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