Archive pour la catégorie “Récits de Jany”
Après cinq ans et près de deux cents écrits par une dizaine d’auteurs, avec autant de commentaires par les uns et les autres, Marque-pages Soissons tire sa révérence. Chacun des quatre auteurs fondateurs a son mot à dire à cette occasion.
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A notre regretté Marque-pages
par Catherine
Au début, tout était facile.
L’écriture avec Marque-pages, c’était comme une balade au volant de mon cabriolet, un après-midi d’été, cheveux au vent, sourire aux lèvres !
Puis avec l’automne, la route est devenue un brin hostile.
Finie la décapotable, le vent abattait ses bourrasques qui s’ enroulaient autour de mes roues en sifflant
Mes pensées se concentraient à cette époque sur la route : surtout ne pas me laisser distraire si je ne veux pas finir dans le bas-côté.
Et puis ce fut le cauchemar de l’hiver, sournoisement embusqué depuis la sainte Catherine.
Il me frappa de plein fouet, un soir, déversant toute sa réserve à neige sur ma route.
De loin, je voyais mes petits copains de Marque-pages qui roulaient vaillamment dans leurs véhicules équipés de chaînes.
Dans un tournant, ma voiture amorça une longue glissade, telle une luge sur une patinoire, et ma course s’acheva dans une congère.
C’est là que je suis restée ensevelie, le cerveau congelé, jusqu’à cet instant où j’écris.
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Feu : on tire un trait sur Marquepages
par Jeannine
Au départ, après quelques réunions échangistes
nous étions quatre sur le starting blog
prêts à en découdre pour enfiler des mots
écrire des souvenirs, des fictions, des émotions
A partir d’une photo, choisie par chacun à tour de rôle
Je l’attendais avec impatience, ce sujet imposé
Ensuite, j’entrais dans les affres de l’écriture
dont je me délecte toujours aujourd’hui
Certains d’entre nous se sont révélés rapides à la détente
prêts à dégainer leurs textes illico presto
Stressant pour d’autres, entraînés par leurs prétextes
à repousser le moment fatidique qu’est ce duel sur page libre :
l’affrontement entre l’auteur et sa contrainte
Après, nous avons vécu l’attente de la réaction du lecteur
et aussi l’arrivée d’autres écrivants
Là, déception, on se lisait bien entre nous
mais force est de reconnaître que même si quelques isolés nous ont rejoint
sur un temps court, nous n’avons pas vu venir
l’essaim d’écrivants soissonnais
que nous rêvions d’accueillir dans notre ruche
Nous avons bien monté quelques radeaux
pour essayer d’attirer des naufragés en mal d’édition
Il s n’ont pas fait légion
L’été est fini
pour Marquepages, il est temps d’hiberner
mais les pages ne sont-elles pas faites pour être tournées ?
Une nouvelle histoire se profile peut-être à l’horizon
celle de nos devenirs à chacun
Et qui sait une prochaine rencontre sur un autre îlot de création
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Sur un rafiot
par Denis
Je retiendrai surtout les sentiments qui me liaient aux trois autres auteurs fondateurs pendant les premiers temps de cette équipée, quand nous sommes partis sur un rafiot pour faire le tour du monde en mots. La chaleur de nos contacts correspondait, non pas aux affinités amicales, mais à la force de notre engagement partagé dans l’activité intime qu’est l’écriture.
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L’écriture
par Jean
L’écriture est d’abord un acte personnel. Je veux dire que j’écris d’abord pour satisfaire un besoin solitaire. Et puis vient l’idée d’un partage. Avec les proches (je leur lis ce que je viens d’écrire), puis avec mes amis, en enfin je suis prêt à étendre mon public à des inconnus
Orgueil et vanité ? Sans doute…mais dans ce cas tout écrivain l’est puisqu’il ne garde pas pour lui sa littérature.
L’expérience Marque-pages est cette tentative d’un groupe d’écrivains en herbe de lancer sur le vaste monde de l’Internet leurs textes à travers cet instrument : le site de Marquepages.
Faut-il voir le verre à moitié vide ou à moitié plein ? Les deux bien sûr ! Depuis 3 ans : 6 000 visites, 26 000 pages vues, une moyenne d’un peu plus de 2 minutes par visite. C’est l’aspect plutôt positif du constat. En revanche : peu d’ouverture vers de nouveaux visiteurs (seulement la moitié des visites). En ce sens Marque-pages n’a pas su conquérir un nouveau public.
Alors terminons sur deux airs de chansons : celle de la môme Piaf : « Non je ne regrette rien », et celle de Prévert et ses feuilles mortes à la fin de laquelle “la mer efface le pas des amants oubliés”.
Nous n’avons plus d’obligations mais le site sera toujours là pour recueillir vos textes sur les sujets qui vous auront inspirés au détour d’un chemin de traverse ou au lendemain d’une nuit d’insomnie.
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Le printemps
L’été est passé, c’est l’automne de la vie
Et le dentier à entretenir
Et le toit qui fuit
Et les fenêtres qui laissent passer le ciel
Et les trous laissés par la neige et le gel dans les routes
Et déjà que revient un autre printemps
Avec ses régimes minceur
Ses jeux qui font gagner des voyages en Espagne ou en Turquie
Ça devient un problème, ou un souci
Pour choisir la destination de ses vacances
Pour ceux qui partent
Parce qu’il y aussi ceux qui s’exilent sans savoir où ils vont atterrir
Et finir le voyage
Et ceux qui restent bloqués au sol
Dans leur ghettos de fortune à s’inquiéter de la montée du prix du fuel
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Et tombent les feuilles et fleurissent les tombes
Plus pour longtemps, maintenant qu’on peut communiquer
avec ses morts par internet , vous avez entendu ça ?
Pardon, ma tante, quand vous commenciez à baisser de l’oreille
et à hurler le ton, j’ai cessé de venir vous voir dans votre résidence
Dans l’attente de la connaissance de votre testament
j’avais déjà pensé à faire contemporain :
incinération dans un funérarium
pour les remerciements, un seul message mailé à la maigre assistance
Maintenant que vous ne m’avez rien laissé
je ne change rien au menu
votre poids mort sera mis en pot dans une case
Au funérarium, les gens diront :
« après tout, elle avait son âge » et après le goûter, café, thé, petits gâteaux
« il fait pas chaud, hein ? » et maintenant « à qui le four, pardon le tour ? »
Et moi à qui vous disiez: « après moi les mouches »
pour vous emmerder, je me transformerai en mouches
J’achèterai un carré de terre, m’y ferai inhumer
dans un linceul tout blanc, devant notaire
et à ceux qui viendront blablater
« il avait quel âge, il est mort de quoi déjà ? il a souffert ?
beaucoup ? combien de temps ? (comme si ça comptait maintenant)
déjà, ou d’abord, les gens qui écrivent, ils ont quelque chose de pas net…
et puis à quoi ça sert, hein ?
A côté d’eux , caché sous ma cape d’invisibilité,
je leur soufflerai « mais à te nourrir mon cher…
Quand se sera inversé l’axe magnétique de la Terre,
tu découvriras la valeur de ces vers issus de ma chair
tu seras trop content de les recueillir dans tes mains
pour mieux les croquer à dents nues
A plus tard, dans un monde meilleur, petit carnassier !”
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Qui de toi ou de moi est de l’autre côté du miroir ?
Je me suis laissé prendre exprès, j’ai joué au mort
perdu par sa soucoupe volante, comme un E.T. de cinéma
J’ai été exposé à votre curiosité malsaine
dans une cage de verre, comme un monstre de foire
ou un canaque de 1900 à l’Expo Universelle ( !!!) de Paris
J’ai vu défiler des mannequins, envieuses de ma maigreur
elles ne se sont pas intéressées à la taille de mon cerveau
Du haut de leur grandeur éphémère
elles ont baissé les yeux pour observer mon sexe
Une nuit, j’en avais vu assez
j’étais suffisamment dégoûté
Je me suis télétransporté sur ma planète
à l’instar des héros de Star Treck
J’étais en mission d’observation sur la Terre
Toi, là, sur la photo, tu n’es qu’une figure, une copie d’humain
je t’ai ramenée en souvenir, comme une Tour Eiffel en plastique
D’autres membres de mon équipage ont ramené de vraies femmes
maintenues en vie dans un sommeil artificiel
Je les ai fécondées, à notre façon
Mes enfants hybrides passeront un certain temps dans des milieux liquides intermédiaires
pour les préparer à vivre aussi bien dans chacun de nos deux mondes
Quand ils seront prêts, ils pénétreront chez vous
Ce jeune homme qui courtise votre fille…
Ils auront votre apparence, peut-être une plus grosse tête
une coiffure adaptée en cachera le volume
leurs corps grêles seront étoffés par d’amples vêtements
Avec votre mental limité, vous n’y verrez que du feu
vous vous laisserez séduire
Et peu à peu vous disparaîtrez au profit de notre race supérieure
avant que notre planète n’ait implosé
pour des raisons que nous connaîtront… plus tard, dans une autre galaxie
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On n’y coupe pas, dès la naissance, déjà le cordon Et puis les traversées, de gué en gué, de gré en gré Parce que faut vouloir suivre ou changer pour survivre Parce que quand les grands parlent de gratte-minette faut être à la hauteur, assez mûr pour comprendre Alors on redouble sa CM2 pour mieux passer en sixième Comme ça, de pont en pont, on atteint le Bac On peut plonger, se casser en Angleterre tenter le Diable, risquer son âme Un jour on reprend le train dans l’autre sens mais il court vite, l’Eurostar On peut être obligé de s’arrêter en route pour cause d’incident ou de grève à la con Quand même, on a franchi un pas, on s’est affranchi Faut toujours couper avec le passé pour vivre sa vie, qui continue…
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Les chevaux et moi…
Je ne peux pas dire que je ne les aime pas
mais il persiste une certaine distance entre nous
J’ai connu les chevaux de labour, les bons gros balourds
J’aimais bien leur robe grise, ou rousse, avec des taches
ils avaient l’air gentil, un peu trop soumis à mon goût
Les autres, les plus fins, les racés, les rapides, me font peur
Je n’ai monté un cheval , à cheval, sur un cheval
qu’une fois seulement, et mes fesses s’en souviennent
J’aurais préféré sans selle, pour ne faire qu’un avec la bête
comme les indiens des westerns de mon enfance
Lucky Luke avec Jolly Jumper
maintenant le jeune Yakiri des dessins animés
Son cheval et lui se sont mutuellement choisis
une histoire d’amour entre l’homme et la bête
Aujourd’hui mon rapport avec les chevaux ?
Je les regarde courir au bar PMU
avant dans « la grande course » sur Canal +
(c’est fini, il faut s’abonner à Equidia)
J’en vois qui y consomment leur retraite, sinon leur santé
à petits coups de 50 euros
Moi je parie sur un beau nom, ou sur un chiffre
deux fois sur trois, j’en ai un de placé dans les cinq premiers
Mais je n’ai jamais joué au tiercé ou au quinté
je suis trop sûre de perdre
N’empêche : le jeu, c’est prenant
A La Capelle dans l’Aisne, dans les courses de trotteurs
je me suis surprise à crier avec les mordus : allez, allez !
Alors que la pauvre bête pour enrichir son maître se faisait cravacher
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Du temps où j’étais enfant, je devais étudier, fort
Le sport, j’en étais dispensée pour gagner du temps à faire fonctionner ma tête
Résultat négatif : il fallait le savoir au départ, je n’ai pas de mémoire
Ce que j’ai retenu : à trop penser sur une chaise, on peut ne plus pouvoir marcher
A un moment, je me suis révoltée
Ils étaient là tous les deux, mon père et mon frère, à s’exciter devant un ballon rond à la télé
« corner » ils criaient, des trucs comme ça
Je n’y comprenais rien, je leur posais des questions
pas de réponse claire, c’était tout juste si ça n’était pas :
retourne à tes livres, ou va aider ta mère à la cuisine
Mon sang a bouilli, j’ai décidé de leur en remontrer
il a fallu attendre les premiers salaires, la liberté financière
J’ai adhéré à l’association sportive des PTT
(je n’étais pas PTT mais j’ai été bien accueillie dans l’équipe des femmes)
Ha ça, j’avais la rage pour taper dans le ballon
mais pour marquer des buts, il faut aller de l’avant
et je me suis vite retrouvée à l’arrière
parce que pour taper, d’accord, mais dans le cadre, le machin, vous comprenez…
il faut d’abord courir sur toute la longueur du stade ou du pré
j’arrivais devant le but, complètement essoufflée
pour envoyer une pichenette dans la boule, le ballon rond
Vous vous doutez bien que je n’ai pas joué longtemps
la gardienne s’en est pris un, de but, en plein dans les incisives de devant
et moi, suite à un tacle (qui ne figure toujours pas dans le dictionnaire)
je me suis tapé une entorse, grave de grave
Maintenant, le foot, je le regarde dans les grandes occasions
le jeu, je ne cherche plus à le comprendre
et c’est toujours avec effarement que j’observe le comportement des spectateurs
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Il y en a dans mon jardin
des traces rousses d’herbe brulée
par les délestages de kérosène
à l’approche de Roissy
Ils sont déjà assez bas, les avions
qui laissent des traînées blanches dans le ciel
Quand ma grand-mère en voyait un
c’est tout juste si elle ne criait pas : à la cave !
Elle avait peur qu’il ne s’écrase sur la maison :
l’expérience de la guerre…
Côté fenêtre, une amie a vu le réacteur en feu
désormais, elle n’ira plus au bout du monde qu’en bateau
J’y ai eu droit aussi en rentrant du Mexique
Le pilote nous a averti que pour une raison technique
nous allions revenir à l’aéroport de départ
On a tourné, tourné en descendant
le temps de délester, les hôtesses étaient livides
Le musulman récitait des versets du Coran
la religieuse égrenait son chapelet
je priais à ma manière
Les pompiers nous attendaient
fin prêts à éteindre nos corps racornis
mais nous avons bien atterri
Je n’ai pas repris l’avion depuis
mais si Dieu me prête vie, je le referai
A tout moment on court un risque
rien qu’à traverser la rue
Le plus difficile, c’est d’être prêt
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Je l’avoue : je n’ai jamais manifesté
ni adhéré à aucun parti, bien que tentée, et pas déçue par la suite
Je me rappelle d’une place au Pérou :
nous étions quelques touristes, assis sur un banc
tout à coup des hommes en armes ont surgi
ils nous ont fait déguerpir
une clameur montait de la ville en bas
ce jour là il y a eu des morts
Le lendemain, nous étions partis
pour poursuivre un circuit touristique
Bravo et merci à ceux qui osent et s’exposent
En France ça nous a rapporté, entre autres bénéfices, les congés payés
la reconnaissance de l’aptitude de la femme à voter
Aujourd’hui, ici, pas comme en Iran, en Birmanie, ou ailleurs
on peut manifester sans trop risquer sa vie
pour la préservation de ses droits, parce qu’on en a déjà
Certains en profitent pour se faire du bien
une manif à Paris organisée par la Fédé, ça fait toujours un buffet
sans parler des casseurs et des politicards qui récupèrent
En attendant, en toute liberté, sans me recommander de quiconque
je revendique le droit à ne pas me coller un mobile sur l’oreille
pour polluer l’environnement avec mes problèmes perso
à ne pas lire et envoyer texto sur texto
Le droit de refuser de répondre aux enquêtes qui m’embêtent
à ne pas vivre avec les gens seulement par mails interposés
Refuser le progrès, non, il n’en est pas question
mais pour préserver le contact humain
qu’on trouve encore dans les manifs
peut-être serai-je de la prochaine ?
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Quel nain ! T’as vu ce nain ?
Qu’est-ce que j’ai entendu !
Ils se moquent de nous, jusqu’au plus haut niveau de l’Etat
Nous sommes considérés comme des sous-hommes, des asservis
toujours présentés en tenue de travail
en bleu ou en vert, sans col blanc s’il vous plait
avec un outil sur l’épaule
La hache, il faut la porter
avec la lampe, on fait le pied de grue
Sur l’épaule on nous prête un petit écureuil
pour faire gentil mimi, pour ne pas dire cucul la praline
Au point qu’une association s’est créée
pour nous enlever, nous libérer de notre servage
ça a marché : notre absence remarquée a révélé notre importance
Parce que ça fait du bien
d’avoir sous la main un plus petit que soi
ça élève, ça rassure
De notre côté, s’ils savaient… ça nous a manqué
parce que nous, on épie les dessous, on voit sous les jupes
on suit de près les parties de jambes en l’air
à l’ombre des sous-bois
et on ne rend pas compte aux média
Parfois ils nous regardent d’un air soupçonneux
Ils devinent, ils imaginent des choses
et nous, on leur sourit niaisement
Alors, hein ? Qui fait marcher l’autre ?
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