Archive pour la catégorie “Récits de Jany”


 

Ce mur troué, avec des ouvertures
au niveau des yeux, de la bouche
ces touffes de cheveux verts à droite, à gauche
On dirait un visage de femme
cachée derrière le moucharabieh

Elle regarde les hommes se battre dans l’ arène
elle a son poulain, son favori
elle craint, elle prie pour son époux, son amant, son ami

Il va se lancer, affronter l’ ennemi, le confrère
pour le plaisir du roi, sur ordre du seigneur
Ils vont s’ entre-tuer, s’ entre-blesser
dans le désir de vaincre pour l’ honneur
ou pour gagner ses faveurs devant la cour assemblée

Le spectacle commence au son des trompes
le sol en tremble, la foule vibre
et que coule le sang, elle hurle son plaisir

Oh moi aussi j’ ai vibré au bruit des fers de lance
aux coups d’ épée des mousquetaires
du Capitan à Jean Marais

Et je me rappelle Aix Les Bains
en vacances, avec mon oncle et ma tante
un tournoi organisé par le cascadeur Yvan Chiffre
Les scènes étaient écrites
le pro devait tomber, c’ était programmé

Il y a eu le bruit de la lance brisée sur l’ armure
le heurt du corps sur le sable
un temps blanc dans l’ assistance
vite comblé par les animateurs

Mon oncle est allé voir sous la tente
pour aider si besoin, il était médecin
Quand il est revenu, il était ému
l’homme était salement amoché
Il regrettait de nous avoir amené là
il était outré aussi, il nous a dit : "jamais plus !"
et nous, les petits, on lui a répondu

"Alors, il est mort ?"

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La vache !
Elle n’ a pas peur, elle est bien traitée
passe la tête entre les barres de fer
avance vers l’ homme qui recule devant son baiser
Dentition suspecte, odeur prégnante
Pourtant, museau avenant
Désir de rencontre ? en tout cas une avance

Un sourire, et souvenir…

C’ était au Burundi
Voyage organisé, certes
mais concocté par deux aventuriers
nous étions, quel orgueil,
les premiers touristes à visiter le pays et son peuple
avec le grand plaisir, en contrepartie du manque de confort
de ne pas se faire harceler en permanence
par des demandes de bakchichs
(au passage : bonjour, l’Egypte !)

Dans ce voyage là ou un autre
nous étions quelques blancs en cage
c’est eux, les blacks, qui passaient leurs bras
à travers les barreaux pour nous toucher
et puis ils reculaient et revenaient, sans peur
C’ étaient surtout des gosses
qui souriaient de toutes leurs dents blanches

Je reviens au Burundi
il était vieux ? il y a des pays dans lesquels ça se remarque
quand on dépasse la quarantaine,
Un seul chicot jauni dans la bouche édentée
les yeux étaient tout racornis,
avec une tache de sang, des veinules rouges
dans le blanc dur, la pupille était vitreuse

N’ empêche, il me proposa franco de faire l’ amour
et nous avons parlé sans nous comprendre
une forme de rapport… spirituel
primitif de prime abord, mais bien sensitif
 

Juste après, les massacres ont commencé
entre Hutus et Tutsis

Ah, la bête humaine !

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Jacinthe, jacinthe… oui mais jacinthe des bois !
Tes dessus fleuris attirent les promeneurs dans les sous-bois
Certains t’admirent, s’enivrent de ton parfum
D’autres te foulent aux pieds
Ce n’est pas toi qu’ils viennent récolter,
mais morilles qui valent argent
ou muguet du premier mai, toujours plus cher
Oh ! je sais bien que vous ne croissez pas au même moment
Aujourd’hui, on n’est plus sûr
ni du temps des jonquilles, ni du parfum des jacinthes…

En tous cas, toi, la jacinthe des bois, tu prolifères bien
occupes ton terrain et tentes le coquin
Pour ceux qui s’enhardissent à traverser ton parterre
Attention au grand méchant loup qui peut se cacher derrière un tronc
prompt à cueillir le Petit Chaperon Rouge
ou encore l’Homme , le plus grand prédateur qui soit
le méchant des polars et des actus, toujours à l’affût d’une jeune vierge

Jacinthe, je t’ai achetée chaque année
Il faut le dire, plus riche et grasse chez le fleuriste
Parfois j’ai choisi ta couleur
d’autres fois j’ai préféré ne pas savoir
ressentir le plaisir de te voir éclore
dans ta robe rose, blanche, bleue ou violine

Et quand tu reprends corps au printemps
bien plantée dans le jardin,
Merci pour ta leçon de vie !

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Le Parc Saint Crépin : la sortie du dimanche
le bassin aux poissons rouges
le bruit des balles de tennis qui rebondissent sur les courts
Le parc aux beaux arbres,
avec à leurs pieds, des glands, des marrons
Au fond le “théâtre de verdure”
un plateau de gazon en haut de quelques marches
Avec mon frère, on y jouait des scènes
on passait derrière les rideaux de haie
pour descendre dans les coulisses : le carré de sable en contrebas
Comprenne qui pourra…

Souvenir plus récent, indélébile : la prison
oh ! rien que cinq semaines
Le temps d’une “préparation à la sortie”
pour quelques pauvres filles abîmées par la vie,
même pas encore jugées,
Accusées, sans doute pas sans fondement,
d’avoir transporté de la drogue
piqué dans la caisse pour nourrir leurs enfants,
laissé leur conjoint les violer ou le tuer quand il vous annonce, juste après l’amour,
qu’il va retourner chez son ex…
De toute façon, elles seront vilipendées
pour avoir été logées, nourrie, blanchies
pendant des années, aux frais du contribuable français

Quand il suffirait pour les réinsérer
et coûter moins cher à la société
de les aider à réaliser leur rêve
Créer une petite épicerie de quartier
un salon de beauté pour peaux noires,
travailler, et pas au black

Mais non, elles en prendront pour des années
sortiront avec la haine, survivront grâce à la prostitution
et leurs enfants seront déjà délinquants.
J’aurai participé à ce gâchis contre un piètre salaire
et je n’en suis pas fière

Survivra en moi, avec le souvenir des filles,
le bruit des sept grilles à franchir pour entrer et sortir
L’angoisse dans le sas quand la porte de derrière se referme
tandis que celle de devant tarde à s’ouvrir,
et sur le macadam, le son de mon pas pressé pour réintégrer le bus
dans lequel je pouvais, moi, programmer le cours de ma soirée

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Un hôtel particulier, au temps passé

Le cadran solaire marquait l’heure d’été
les enfants s’ébattaient autour du bassin
pendant que parents et amis réunis à l’ombre
se faisaient servir quelque collation
et palabraient sur le devenir de leur engeance

Celui-ci fera l’armée, l’autre sera curé,
il en faut bien un pour s’y coller
La petite est mignonne, elle épousera un gros fermier
les terres pourront s’adjoindre, le domaine s’agrandir
et la famille continuer à parader au-dessus de la basse cour

Tous ces plans s’échafaudaient au son de la flûte de Pan
et l’on songeait à Compostelle
pour se faire bien voir d’un Dieu dont on attendait les bienfaits
à savoir garder l’aisance et le pouvoir

Aujourd’hui le cadran solaire n’est plus fiable
le temps s’est déréglé, le soleil a ses caprices
et pan pan pan s’est fait déboulonner
par les boum boum boum d’une sono poussée à fond

Oh, il y a toujours des pèlerins pour Compostelle
aujourd’hui, ils cheminent sur des routes polluées
Portable à l’oreille, ils peuvent toujours se faire dépanner
engager un engin roulant, griller une étape
et avec un peu d’oseille bichonner leurs pieds meurtris

Avant de revenir à domicile et contempler le cœur flétri
le verdissage de la pierre, la moisissure qui s’installe
la décrépitude inévitable et la dilapidation de l’héritage familial
par des descendants corrompus, gagnés aux envies d’un autre siècle

Le premier étage est fermé
derrière les fenêtres occultées, les meubles sont voilés
maintenant les cireurs sont salariés et l’hôtel revient cher

Heureusement, il reste la protection du patrimoine
et les subventions, une façon de poursuivre l’histoire
à conter aux petits enfants de la ville de Soissons

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Cathédrale ou Marché
les deux sont accotés le samedi à Soissons

D’un côté, le magnifique nouveau parvis
(nota bene : chercher l’accès pour les handicapés)
superbe vue sur des rues à l’air fermé
exemple : l’Echelle du Temple

De l’autre côté : les marchands du temple ?
non, un sacré paquet d’étals
en plein air ou dans les halles
on y trouve tout, de la viande aux bigoudis

La marchandise peut être trompeuse
mais pas plus qu’en marché de religion
où maîtres à penser et nouveaux gourous s’entendent assez bien
pour proposer hors de prix des gris-gris de tous acabits

Cet étal -là, au pied de la cathédrale
côté marché, laisse à penser…

S’y côtoient poulets, lapins, pintades et dindons
toutes bêtes encore vivantes,
bonnes à se reproduire
ou à se faire dûment plumer
avant d’être becquetées de la crête au croupion

La clientèle en majorité musulmane
n’a peut-être jamais fait le tour de la cathédrale
et pénétré, derrière les vitraux, dans la nef restaurée
où les ouailles disposent de plus de place que la volaille en cage
pour prier en cœur, demander à Dieu un sursis de santé et de vie,
se faire le baiser de la paix avant de se séparer pour la semaine
oser se marier et courir le risque de parfois “produire”
des enfants tiraillés entre deux familles
qui se les disputent à coût de jouets

En tout cas le samedi, place Fernand Marquigny,
on communie, on communique
dans le plaisir de vendre ou d’acheter,
un temps béni dans cet univers aussi marchand soit-il

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un départ pour Paris,
un au revoir sur le quai de la gare
un jeune qui monte, un autre qui descend
une lecture à l’envers
un retour en arrière

je ne t’oublierai jamais
tu n’étais pas mon petit ami
mais le frère aîné de mon amie
je te connaissais à peine
on avait fait un rallye à nous trois
dans ta deux chevaux de ce temps là

tu faisais ton service militaire
tu revenais en perm pour le week-end

ma mère m’a appris la nouvelle à mon réveil
elle pleurait, je devais prendre le même train que toi
j’étais revenue la veille

tu avais un chemin tout tracé
travailler avec ton père
continuer l’entreprise,
devenir un bon père à ton tour

et puis le train a déraillé
il est monté sur l’autre, ou l’autre lui est monté dessus
peu importe, à eux deux ils ont défoncé la voûte

et tu as fini ta route, à vingt ans
les jambes écrasées
bouffé par la gangrène

maintenant il n’y a plus qu’une voie sous le tunnel de Vierzy
crois bien que chaque fois que j’y passe, je pense à toi
pourquoi toi, pourquoi pas moi ?
qu’est ce que j’ai fait pour mériter de vivre encore
ou plutôt, puisqu’on est en période de voeux,
que dois-je faire encore pour mériter ce merveilleux cadeau :
la Vie !

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au fil de l’eau du temps


rue des Graviers

en voilà un nom qui sonne grave

grave et serein à la fois


impasse au macadam goudronné

avec vue directe et plongeante

sur la rivière de l’Aisne


autrefois, il n’y a pas si longtemps,

sillon aqueux dans lequel se frayaient

de luisantes péniches au ventre rebondi

gorgées de gravier, de blé

de charbon, pleines de coke en soute


adieu le transport fluvial

fini de voir passer le batelier

tout fier à son gouvernail

dans sa cabine astiquée impeccable

avec parfois en déco : un chien, un vélo,

du linge étendu sur un fil suspendu


c’était une autre vie au rythme régulier

entre deux bords bien délimités,

d’escale en escale, entre deux écluses


aujourd’hui, place aux bateaux de croisière

qui se chargent d’électricité

et se désaltèrent d’eau de source

l’été, à la Halte Fluviale


reste, sur terre ferme, la rue des Graviers :


ah ! revenir le soir en auto

se garer devant son chez soi

ressortir promener le chien le long de la rivière

histoire de se détendre, suivre des yeux l’onde légère


cauchemarder peut-être

l’Aisne s’emballe, et monte son niveau !

elle grimpe jusqu’aux étages


et, parfois, avoir la tentation

par grand soir de déprime, sur fond de pluie

de se laisser couler dans ce ruisseau de vie

la pierre au cou, à corps perdu

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un homme surdimensionné

échoué sur la plage

à l’instar d’une baleine

il parait black, porte un bracelet

un homo peut-être

peu importe



sur ce morceau de sable

il s’est taillé une part

a écarté tessons de bouteille

capsules de coca et mégots



il pense comme le penseur de Rodin sur son pot

ou alors il dort



un moment de détente entre deux trains de banlieue

sans payer encore de droit d’entrée



une plage minable

sur laquelle blacks & whites se côtoient

on peut y étaler sa vieillesse

sa graisse et autres mochetés



havre de paix

où les différences s’estompent momentanément

où règne l’indifférence aussi

chacun pour soi dans le farniente



il n’y a que les crabes dont il faut se méfier

et des photographes pour la postérité



mais ça, on ne le sait qu’après



Coney Island Beach People

les gens de la plage de Coney Island (New York)

fin des années septante



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Tristes évocations

et sinistrose de circonstance le 11 novembre

histoire de fêter l’Armistice

devant le monument aux morts,

avant le pot du Maire qu’apprécient bien

les anciens combattants… d’Algérie



Cette “première” guerre

si enracinée par ici

on se sent presque responsable

de ne pas l’avoir connue en direct

voire même de ne pas l’avoir faite

tant elle est partie prenante de la mémoire de l’Aisne



Le vol noir des corbeaux…

oiseaux de mauvais augure ?



Non, à la différence de certains corbeaux humains

patrons en casse de réputation

ces animaux là sur la photo sont beaux et purs



Drapés dans leur couleur noire de jais

ils lavent la terre de ses sanies

se nourrissant de vers dans les sillons gras

abreuvés du sang versé par nos aînés,

victimes de guerres fratricides

alimentées par d’arrogants généraux



Ils s’envoient dans les airs pour traverser la vallée

et peut-être de l’autre côté, sur le versant opposé

aller couver quelques nichées



De quoi repartir, rebondir et revenir

fièrement dressé sur leurs pattes

le regard aigu et le bec acéré

nous annoncer le retour des saisons

et la promesse des semailles à venir


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