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Anne PHILIPE:  “Le Temps d’un soupir: ” Longtemps, j’ai su qu’à partir de notre amour, nous pourrions construire-une maison-des enfants….”

J’étais alors en quête d’une maison. La découverte d’une photographie, par le biais d’un site Internet, me renvoyait tout à coup à une foultitude de souvenirs. C’était la page blanche retrouvée de l’écolière et de la collégienne. C’était le libellé de la rédaction, qu’il fallait laisser mûrir à l’intérieur de soi, pour trouver tout à coup l’inspiration inespérée. C’était encore, la joie de griffonner à nouveau la page blanche. Les maisons sont comme des livres, elles sont comme nos vies: des maisons que l’on habite, ou l’on espère, des maisons pensées ou rêvées, des maisons habitées ou quittées…Elles sont des pages de livres écrites, présentes ou à venir, quelquefois perdues et qui ne reviendront plus.

Je venais de mettre en vente une maison que j’avais aimée. J’étais en chasse d’un autre lieu. Ce n’étais pas simple, j’avais visité quelques endroits, mais aucune encore ne correspondait à mes attentes. Et puis…

C’était un jour de Novembre, comme il en fait souvent en Picardie déjà froid et ce brouillard humide.L’hiver semblait déjà s’installer. J’entrais dans le jardin d’une maison que je convoitais depuis quelques semaines. Au sol les feuilles étaient racornies, bordées d’une dentelle de froid blanche, tandis que le potager au loin affichait la triste silhouette des choux  de Bruxelles roidis sous les assauts du gel précoce. Mes chaussures crissaient dans cette allée, bordée d’arbres qui devaient être si beaux au printemps et à l’automne.

J’entrais enfin dans cette maison… c’était surprenant… tout de suite, cette chaleur des parquets anciens en chêne, et le soleil déjà qui semblait timidement vouloir percer au travers des grands volets. La maison n’avait pas encore été vidée totalement de ses meubles. D’instinct, je me dirigeais dans un salon bibliothèque ou dormaient encore des livres, qu’une jolie propriétaire avait dû parcourir nonchalamment. Un fauteuil crapaud, d’un bleu délavé par un ciel de lune, semblait m’attendre. Je ne pu résister à l’envie de m’assoir, comme pour prendre possession de cet endroit. Il est des maisons ou d’instinct, on se sent bien comme si l’on ya avit toujours habité, comme si les murs tot à coup protecteur, vous faisaient oublier quelque peu la vie du dehors, en vous berçant d’une langueur originelle. Les maisons ont une âme, pour qui sait être à l’écout, pour celui qui cherche au delà de notre temps humain. Sont elles des lieux de vie? sont elles déjà l’ébauche de nos tombeaux?

Je veux croire en des lieux de vie, même si celà me paraît éphémère. Installée dans ce fauteuil, je rêvais à une jeune femme… une robe bleue, évanescente… je me pelotonnais dans mon grand châle, la rêverie s’était emparée de mon corps. Il flottait encore dans l’air un parfum de femme, une fragrance de Chamade de Guerlain qui samblait envahir encore l’atmosphère.

Je me laissais envahir par les bruits ténus de la maison. Des enfants avaient joués là, et je me souvenais avec exactitude du dernier Noel. On avait dressé un sapin immense dans le salon, il y avait eu des rires, et des jeux sans fin. On s’était poursuivi dans la maison, les cousins en renfort avait grossi cette meute joyeuse et tumultueuse déguisée en lutins facétieux, en indiens bariolés, chevauchants pour les plus petits d’éternerls chevaux à bascules. On s’était émerveillé d’un temps qui semblait ne pas devoir s’enfuir, ni s’échapper…

Puis, un jour le bruit des enfants s’en était allé.

Je sortais de ma douce torpeur, pour accéder à l’étage. C’était plus surprenant encore, un lit Gustavien sous un ciel de lit en toile de Jouy bleue, trônait dans cette superbe chambre.Je m’en voulais tout à coup de déranger une intimité si présente. C’était un lit d’amoureuse, un lit ou l’on avait aimé, un lit de chuchotements, et de soupirs de volupté.Je n’avais à cet instant même plus besoin d’aller plus loin dans ma visite. V’était dans cette maison que j’allais vivre. Elle saurait me donner encore du bonheur, et je saurai lui rendre vie pour des années encore.Un jour, une jeune femme viendrai à son tour, en quête peut être d’un endroit unique…

Elle ferait sienne, cette maison à pas de moineaux. Les arbres du jardin abriteraient les déjeuners d’été, tandis que le feu crépitera dans la cheminée dés l’automne. Le piano résonnerait d’une Marche Turque ou d’un air mélancolique de Satie.

De la cuisine s’échapperait des effluves sucrées et toujours des rires d’enfants. IL y aurait des goûters d’anniversaire et des repas de fiançailles…

Des rires, des joies et des larmes, encore et toujours. Et la vie qui passe, nous prend et nous emporte.

Je me suis réveillée ce matin, et j’avais fait ce rêve…

Une maison en Picardie, peut être un jour… peut être à nouveau…

Avec cette lumière et l’éclat des forêtes d’automne. Avec mes aieux qui dorment là bas.

Avec mes racines profondes ancrées dans les plaines Picardes. Une maison m’attend…une maison de famille. Mon rêve me l’a dit.

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C’est loin des brumes automnales de la campagne picarde où je me suis retiré que j’ai chassé pour la première fois, dans ma Tunisie natale.
Au début, quand j’avais 7 ou 8 ans, je me contentais de suivre mon père dans la zone marécageuse du lac de Tunis.
Entre la cimenterie, la fonderie métallurgique et l’usine des phosphates, toutes émettrices de tonnes de poussières et fumées odorantes, j’habitais un pauvre logement partagé par mes parents et grands parents dans l’usine d’extraction d’huile où mon grand-père était contremaitre. Un chemin menait de l’usine vers des marais salants, à quelques kilomètres de distance. Mon père m’avait raconté que, pendant la guerre et alors que je n’avais que 2 ou 3 ans, lors des bombardements alliés sur la zone industrielle, c’est là que nous allions nous abriter, chez un italien qui récoltait le sel, espérant que cet endroit ne constituerait pas un objectif stratégique pour l’aviation.
Pendant la chasse, mon père s’accroupissait derrière l’abri que formait le rebord du marais salant et attendait que les oiseaux migrateurs passent à portée de son fusil. Etendu à même le sol pour ne pas me trouver dans la ligne de mire, je respirais l’odeur de terre humide et celle, plus subtile, d’une maigre végétation qui parsemait les marécages. Désœuvré, mon esprit s’envolait alors à tire d’aile, tel un de ces oiseaux que nous traquions, et voyageait en sens inverse, vers ces terres lointaines septentrionales que j’imaginais froides et brumeuses, encore tout imprégné que j’étais des récits d’Erckmann-Chatrian qui constituaient, comme pour tout petit français de l’époque, le menu ordinaire des lectures de classes élémentaires, qu’il fût en Métropole ou dans les colonies..

Plus tard, alors que mon père travaillait comme ingénieur chimiste dans une mine perdue aux confins de l’ouest tunisien, je devins chasseur moi-même.
J’avais un fusil de calibre 9 mm à petits plombs, avec lequel je chassais les alouettes huppées et les tourterelles. Je partais généralement seul, emportant dans ma gibecière un sandwich au jambon emballé dans du papier. Ma chasse était primitive et naturelle, libre de toute contrainte de lieu, dans une nature sauvage, à mille lieues de ces chasses que j’ai connues plus tard en France, bruyantes et artificielles. En fait c’était plus le plaisir de la découverte de la nature que celui de la prise du gibier qui m’attirait, même si un atavisme enfoui dans les profondeurs de l’âme humaine me procurait toujours du plaisir quand j’abattais le gibier. Du haut d’un « djebel » appelé « sif », ce qui signifie « épée » en arabe à cause de sa forme, ma vue embrassait un vaste territoire qui s’étendait jusqu’à la frontière algérienne, au-delà d’un des principaux fleuves tunisiens. C’est au sommet de cette montagne que je faisais généralement une halte et mangeais mon sandwich. L’air chaud qui montait de la vallée m’apportait le parfum du romarin dont les buissons parsemaient le paysage, taches sombres mêlées aux touffes d’alfa plus claires, typiques de ces régions semi-désertiques.
Ce parfum du romarin s’est tellement imprégné dans ma mémoire que, même aujourd’hui, près de soixante ans plus tard, le simple fait d’en respirer un brin me ramène comme par enchantement vers ces lieux de mon enfance, en un étrange voyage dans le temps et l’espace.

J’ai conscience d’avoir eu une enfance complètement différente de celle de la moyenne de mes concitoyens picards. Est-ce que pour autant j’en tire une quelconque fierté ? Je ne sais pas … Je crois que, quelle que soit son origine, chaque être porte en lui son enfance comme un trésor unique. Mais ses efforts pour en faire partager le coté merveilleux et unique est une tentative vaine car il est très difficile de communiquer des sensations, et pourtant… n’est-ce pas ce que je viens d’essayer de faire ?

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